Hubert Duprat
Museum of Old and New Art (MONA) / 7 décembre 2013 - 28 juillet 2014
La première grande exposition rétrospective d’Hubert Duprat est actuellement organisée au MONA, l’étonnant musée d’art ancien et nouveau de David Walsh à Hobart, en Tasmanie. C’est un triomphe, pour l’artiste comme pour le commissaire de l’exposition, Olivier Varenne. Duprat entretient des liens de longue date avec l’Australie. J’avais découvert son Aquatic caddis-fly larve with case dans l’exposition The Idea of the Animal, organisée par Suzanne Davies et Linda Williams en 2006 à l’université RMIT, à Melbourne. Ce que je n’avais pas réalisé alors est l’étonnante diversité de sa pratique, des idées qu’il explore et la variété des matériaux qu’il utilise. Costa Brava Coral (Corail Costa Brava) est un faux réseau neuronal fabriqué avec du corail rouge et des miettes de pain. Dans une nouvelle oeuvre intitulée Tribulum, il associe, dans un acte courageux de déconstruction, de la mousse florale et du silex taillé ; une pièce qui pourrait faire penser à une collaboration expérimentale et complexe entre Donald Judd et Lucio Fontana. Both Root and Fruit (À la fois la racine et le fruit) associe du bois, des plaquettes d’os, de la mosaïque et des ongles, pour former, sur près de quatre mètres, ce qui pourrait s’apparenter à des algues marines enchevêtrées, ou à une énorme ramure blanche. Duprat utilise le blanc, que ce soit pour des oeuvres sans titre réalisées avec de la cire de paraffine et des cristaux de quartz, ou pour la pièce maîtresse de l’exposition, un bloc de pâte à modeler pour enfant pesant plusieurs tonnes, et qui pourrait être un accessoire sorti d’un remake de 2001 : l’odyssée de l’espace. Une autre oeuvre est constituée de spath d’Islande (cristaux de calcite) et de colle ; celle-ci, qui semblerait échappée d’un film de science-fiction, est une chaîne à la Dark Vador constituée de 200 000 magnétites. Et pourtant, il y a aussi de la simplicité, comme dans Volos, lorsqu’il pose une lame de hache en pierre polie sur un pain d’argile enveloppé d’un film plastique. Totalement belle, totalement bouleversante. Et pourtant, je reviens toujours à ses trichoptères. Ils travaillent sans relâche et créent de précieux fourreaux protecteurs, non pas avec les habituels brindilles et autres gravillons, mais avec des diamants et de l’or, des rubis et des turquoises. Ce travail évoque la théorie des Trois Mondes de Karl Popper, prolongeant la notion de dualisme cartésien. Les objets du Monde 3 peuvent être des bibliothèques ou des téléviseurs, mais ils peuvent aussi bien être des nids d’oiseaux et des digues de castors. Dans le superbe catalogue produit à l’occasion de cette exposition, David Walsh écrit : « J’ai une théorie, une théorie folle : les différentes incarnations des oeuvres de Duprat avec les trichoptères sont parmi les pièces les plus importantes de l’art contemporain. Je ne m’attends pas à ce que vous soyez d’accord avec moi – que ce soit maintenant, ou après avoir lu ce court texte d’éloge. » Je suis d’accord avec lui, sans réserve. Et j’espère que toutes ces oeuvres seront plus largement présentées en Europe et en Amérique du nord.
Autre exposition/ Other exhibition: Hubert Duprat, Des gestes de la pensée (commissariat : G. Désanges), La Verrière (Fondation d’entreprise Hermès), Bruxelles, jusqu’au 12 juillet 2014.
Hubert Duprat’s first major survey show was recently staged at MONA, David Walsh’s astonishing Museum of Old and New Art, in Hobart, Tasmania. It is a triumph, both for the artist and for its curator Olivier Varenne. Duprat has a long relationship with Australia. I first saw his Aquatic caddis-fly larve with case in the 2006 exhibition The Idea of the Animal at RMIT University in Melbourne, curated by Suzanne Davies and Linda Williams. What I did not realize was the astonishing range of his practice, the ideas he researches, and the variety of materials he uses. In Costa Brava Coral (Corail Costa Brava) his fabricators construct a faux neural network from red coral and breadcrumbs. In a new work Tribulum, he brings together in a brave deconstructive move, florist’s foam and knapped flint that looks as if Donald Judd and Lucio Fontana had collaborated on a thought experiment. Both root and fruit combines wood, cowbone, mosaic, and nails to form almost four meters of what looks like intertwined seaweed, or a giant, white antler. Duprat does white rather well, whether in untitled works using paraffin wax and quartz crystals, or the centerpiece of the show, a block of children’s modeling clay, weighing many tons, and looking like a prop for a remake of 2001 a Space Odyssey. One work uses Iceland spar (calcite crystals) and glue, while another could-be-escapee from a sci-fi movie is a Darth Vaderlike chain of 200,000 reconstituted magnetite spindles. And yet there is simplicity too, as in Volos when he places the head of a polished stone axe on top of a plastic-wrapped slab of clay. Totally beautiful, totally transforming. Yet it is the caddis-flies that I keep returning to. They work away in their tanks, and on video, creating jeweled protective sheaths, not from the usual twigs and gravel, but from diamonds and gold, rubies and turquoise. This work evokes Karl Popper’s Worlds One, Two and Three with which he extended notions of Cartesian Dualism. World Three objects could be libraries or television sets, but they could also be birds’ nests and beavers’ dams. In the superb catalogue produced for this show, David Walsh writes, “I have a theory—a wild theory—that the various incarnations of Duprat’s work with caddisflies are among the most important in contemporary art. I don’t expect you to agree with me—now, or even by the end of this short piece of advocacy.” I do agree with him, wholeheartedly. And I hope all this work is seen more widely in Europe and North America.
Peter Hill