Tomoaki Suzuki
CAPC musée d’art contemporain / 4 avril - 1er juin 2014
Tomoaki Suzuki pratique la sculpture traditionnelle sur bois de tilleul, figurative et peinte. Depuis son installation à Londres en 1998, il puise ses modèles dans la population branchée, les reproduit avec un soin extrême porté au détail et dans un format qui correspond à un tiers de la taille réelle, et ne dépasse pas soixante centimètres. Dans la grande nef, ces dix-sept personnages de petites dimensions, impassibles, dispersés, installés à même le sol, se « tiennent debout », et arborent leur style vestimentaire comme « un marquage temporel ». Ils affirment tous ensemble leur capacité d’être là, mais s’ignorent, exacerbent le vide autour d’eux et se retrouvent face à une communauté impossible. Ils permettent, dans une complémentarité de différences et de confrontations, un contact recadré, renouvelé avec l’espace qui les entoure et dans lequel ils définissent la spécificité de leur place et de leur assise. Leur présence réduite, ténue, conduit le visiteur à ne pas figer leur regard dans une position déterminée, mais à expérimenter plusieurs approches, plusieurs réglages dans différentes directions. Il ne néglige aucune possibilité de tourner autour, de se baisser, de s’agenouiller, de s’accroupir pour saisir les multiples ressources, découvrir les cohérences, les surprises et leurs perspectives enrichissantes. Il s’agit de trouver la bonne distance, de s’adapter, de s’ajuster à la sculpture, de s’inscrire dans une forme de temple, cette qualité qui, en tauromachie, consiste à accorder le mouvement de l’étoffe et la vitesse de charge du taureau. Cette relation particulière à l’espace, au temps et à ce qui s’ouvre au regard et au corps en mouvement, ne se déploie qu’en écho à une offre constante de générosité et de vigilance.
Tomoaki Suzuki carves traditional figurative sculptures from lime wood and paints them. His models are the hipper denizens of London, his home since 1998. He reproduces them with extreme attention to detail, at a third of life-size (never more than 60 centimeters). The main vaulted room holds 17 diminutive figures. Impassible, they are scattered about, installed directly on the floor, standing with no support. Their clothing style is always distinctive, “a timestamp.” All of them together have a strong this-worldiness, but they do not relate to one another, as if each were surrounded by a void, and no community is possible. The complementarity of their differences and contrasts makes it possible for us to see the space around them in a new way, a newly contextualized space in which they define the specificity of their place and foundations. Their reduced, fine presence leads visitors to look at them not from a pre-determined or fixed position but to try out various different angles, adjusting the view from different directions. Everything is possible—you can walk around them, bend down, kneel or squat to see them and grasp their potential, discover their consistency and surprises, and their rewarding perspectives. You have to find the right distance, adapt and adjust to the sculpture, enter a sort of temple, like that quality in bullfighting, when you move the muleta in exact correspondence to the speed of the charging bull. This particular relationship with space and time, with what opens up to the gaze and the moving body, can only be produced as an echo to a continual offering of generosity and vigilance.
Translation, L-S Torgoff