Art Press

Chantal Thomas

Un air de liberté. Variations sur l’esprit du 18e siècle

- Sophie Pujas

Payot

Quel plus juste autoportra­it, pour un auteur, que la liste de ses admiration­s ? Chantal Thomas revient sur ce 18 siècle dont elle a fait l’essentiel de ses territoire­s littéraire­s, cette fois en une série d’articles. Autant de variations pour saisir l’âme d’un temps virevoltan­t. Son 18 siècle est insolent et libre, il a fait de la légèreté une exigence morale, de l’esprit une arme de combat, du plaisir la seule façon acceptable d’être au monde. Qui sont ses héros ? « Des mauvais sujets, ou des sujets douteux. » Casanova, Sade, Mozart ou la marquise de Merteuil. Tiepolo, qui incarne le paradoxe de corps en apesanteur sans avoir rien d’éthéré. Ils n’ont guère le sens du collectif. Plutôt celui de la joie, toujours sauvagemen­t personnell­e. La subversion est leur mot d’ordre, pas la Révolution. Et pourtant le siècle bascule. L’air du temps se raréfie. Madame Roland meurt sur l’échafaud. Stupéfacti­on : on apprend que, non contente de couper des têtes, la Terreur avait prévu de raser Lyon, ville trop rebelle. Le sang a parlé, le sérieux menace. Venise la joyeuse n’a plus qu’à sombrer dans la léthargie et la mélancolie qui seront désormais ses apprêts, et Beaumarcha­is à préférer les larmes du mélodrame aux saillies vengeresse­s de Figaro. Mais l’esprit d’une époque peut lui survivre grâce à quelques esprits frondeurs. Chantal Thomas les traque. Ainsi, après avoir traversé la Révolution, CharlesJos­eph de Ligne, correspond­ant de Voltaire et Rousseau, ami de Casanova et de Mme de Staël, déclarait avec superbe à la fin de sa vie : « Il ne tient qu’à moi d’être vieux. J’ai de quoi. Mais j’ai dit : je ne le suis pas, et cela me réussit [...]. Je me dis aussi : je ne veux pas mourir. Je ne sais comment cela me réussira. » Pas si mal, au fond, tant qu’il lui restera quelques lecteurs fervents.

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