Patrice Blouin
Zoo : clinique
Gallimard
Dans ce troisième roman de Patrice Blouin, après l’apparition d’une mutation qui touche l’humanité, « hom : jument », « fem : ourse » et « rédacteurs : infirmiers » se réunissent dans des « zoos : cliniques » pour consigner les témoignages des mutants. Ceux-ci se distinguent dans le texte par des inserts en italique et interrogent, selon une perspective à chaque fois différente, un type de lien spécifique : amoureux, amical, familial ou encore social. Le roman alterne entre une vue objective et spectaculaire sur les événements qui accompagnent la mutation, et une vue plus locale se concentrant sur le travail du « rédacteur : infirmier » Carlo Ginsburg. Cet aspect du récit livre de belles esquisses qui décrivent corps, relations et psychologies sans jamais forcer le trait. La mutation est aussi l’occasion de tracer une ligne fictionnelle autre que celle du personnage, de ses actions et affections : il s’agit d’utiliser comme moteur narratif les théories qui entourent l’apparition des mutants, un exercice auquel l’auteur se livre avec finesse et humour. Le roman s’ouvre ainsi sur la construction de ces « zoos : cliniques » , affirmant la nécessité de faire entendre la parole des mutants, de se situer au niveau des cas singuliers plutôt que de chercher les causes de la mutation ; une approche thérapeutique et des institutions compromises à la fin du récit lorsque l’un des traits génétiques de la mutation est identifié. Carlo Ginsburg découvre alors que les agencements désordonnés affectent tout autant l’architecture de Gênes où il travaillait que les corps mutants. Si une logique de blockbuster traverse Zoo : clinique, elle concerne ainsi tout autant le thème de la mutation que ces changements théoriques qui ne cessent de s’enchaîner et de se renverser.