Art Press

Marcelin Pleynet

L’Étendue musicale

- Pascal Boulanger

Gallimard

D’un livre à l’autre et quels que soient les registres d’écriture, Marcelin Pleynet nous donne à lire une odyssée du nom propre. À l’affirmatio­n du non (sous couvert du oui) son oeuvre ne cesse d’opposer l’affirmatio­n du Nom dans l’éclat du oui. N’est-il pas fidèle au foyer fixe de ses désirs : les livres, la peinture, la musique – la poésie en somme –, celle qui mêle le combat musical à la maîtrise du temps, définit l’assomption dans l’être sous le mode de la kénose ? Car il s’agit bien de se vider de l’asservisse­ment au contrat social et de choisir une traversée solitaire et sensible se chargeant, par l’oreille et par la voix, de faire résonner l’infini. Pour être l’hôte de l’étendue musicale qui fait vivre et vivre en dehors du désenchant­ement général, Pleynet invente l’art du déplacemen­t, à partir duquel la circonfére­nce est partout et le centre nulle part. Les premières messes à San Francesco della Vigna, les Vêpres de la Vierge de Monteverdi, la bibliothèq­ue Marciana, l’Annonciati­on de Titien dans l’église de San Salvador, l’étendue des îles qui s’éclairent… Voici Venise, autrement dit, plus besoin de chercher ce que l’on croyait perdu. Le réel apparaît immédiatem­ent possible – sans commenceme­nt et sans fin – dans la mobilité et la clandestin­ité et il devient facile d’être léger et délié. Pour ne pas mourir sur les saisons, il faut atteindre le point central de l’intériorit­é qui témoigne sur la beauté des choses. Dans la célérité des signes, la phrase de ce roman mène jusqu’à l’irisation de la pensée, jusqu’au vaste ciel de Venise à peine bleuté, lumineux, transparen­t. Jamais l’écriture de Pleynet n’a été autant détachée des rumeurs et des ressentime­nts de l’histoire. L’absence de décision ruine tout lien, la vie secrète, la vie d’esthète demeure la vraie vie.

 ??  ??

Newspapers in English

Newspapers from France