Linda Williams
Screening Sex
Capricci
Screening Sex développe deux hypothèses sur la représentation du sexe au cinéma. L’une, phénoménologique, interroge le rapport de nos corps aux images. Selon Linda Williams, pionnière des porn studies, les images de sexe ne sollicitent pas uniquement la vue, mais tous nos sens, mobilisés dans une « série d’échanges [avec] le corps du film et les corps à l’écran ». Pour étayer ce propos, Williams s’appuie sur le Lauréat, Blue Velvet ou le Secret de Brokeback Mountain ainsi que sur les formes de pornographie apparues avec Internet (« visioputes » et simulateurs sexuels interactifs). Sa seconde hypothèse part d’un schème psychanalytique pour aborder l’évolution du traitement du sexe dans le cinéma américain : « La connaissance charnelle sur les écrans américains à la fin du Code Hays [censure appliquée de 1934 à 1966] a suivi des voies ou des modes identiques à ceux par lesquels l’enfant y accède. » Williams décrit ce procès en se focalisant sur des gros plans qu’elle met ensuite en perspective dans l’histoire américaine. L’immobilité des fesses de Mario pendant l’acte sexuel ( Sweet Sweetback’s Baadasssss Song, film fondateur de la blaxploitation) est expliquée par un historique des mouvements du bassin des Noirs à l’écran (de l’émasculé Oncle Tom au cliché du violeur noir). Williams analyse également l’évolution de la représentation des orgasmes de l’icône Jane Fonda. Prostituée, elle découvre la beauté de la chose avec un policier ( Klute) avant d’expérimenter, sous les traits assagis d’une femme au foyer, une sexualité non vaginale avec un paraplégique ( le Retour). Ces raccords entre gros plans (images de sexes, anecdotes) et plans d’ensemble (contexte, histoire des idées) suffisent à réhabiliter la pornographie.