Hélène Trespeuch
La Crise de l’art abstrait ?
Presses universitaires de Rennes
Le champ assigné à cette étude est à la fois circonscrit – à l’histoire de l’art abstrait telle qu’elle s’est écrite entre 1977 et 1990, en France et aux ÉtatsUnis – et sans limite, tant il implique de croiser de données. Hélène Trespeuch analyse ainsi avec précision différents types de publications (manuels d’histoire de l’art, catalogues d’expositions, revues dont artpress) et y interprète la terminologie en vigueur ; elle expose les parcours des principaux commentateurs, leurs références ainsi que leurs prises de position ; elle aborde la question des institutions, du marché, ainsi que des changements politiques survenus au cours de la décennie. Le sujet est d’autant plus intéressant que si la peinture est alors revenue sur le devant de la scène, c’est principalement dans sa veine figurative : le jeu de contrepied est aussi bienvenu qu’éclairant. Le sujet est d’autant plus complexe que l’art abstrait n’en est plus à l’euphorie et à la certitude des commencements mais affronte la difficulté de durer: comme si la longévité était plus difficile d’accès à qui a fermement marqué son origine. Deux chapitres sont consacrés à la « réécriture », dans le courant des années 1980, des débuts de l’art abstrait et de ses développements dans les années 1950. Y apparaît la stratification opérée depuis les premières décennies du 20 siècle. La superposition d’écrans aussi : théoriques et idéologiques, l’art abstrait étant lié à la modernité, aux avant-gardes et au modernisme greenbergien dont les générations suivantes ont contesté l’hégémonie ; économiques et politiques, l’art abstrait étant au coeur de la rivalité entre Paris et New York qui a suivi la Seconde Guerre mondiale. Les pistes de réflexion sont nombreuses. Reste un regret, qui tient à l’historiographie elle-même : la distance d’avec les oeuvres.