Victor Man
Kunsthalle de la Deutsche Bank / 21 mars - 22 juin 2014 Protagoniste majeur de l’École de Cluj (Roumanie), Victor Man a été désigné « artiste de l’année » par la Deutsche Bank, qui lui offre à ce titre ses espaces Unter den Linden. Première rétrospective allemande de ce peintre ayant élu domicile à Berlin, celle-ci permet de constater la place incontournable qu’il occupe au sein d’une tendance qui s’est développée ces dernières décennies, selon des axes complémentaires, à Anvers, Cluj, Cracovie ou Leipzig, conjuguant des interrogations sur le médium pictural doublées de mises en place d’atmosphères selon les cas insolites et oniriques, pseudo avant-gardistes ou académiques. Se caractérisant par une iconographie hétérogène et opaque, des références diverses et variées qui renvoient tantôt à des données collectives, tantôt à des facteurs intimistes et autobiographiques, les peintures de Man sont souvent de petit format, sombres, et s’intègrent dans des dispositifs de présentation, notamment en matière d’éclairages, très soignés pour ne pas dire maniérés. On peut s’en émerveiller ou être passablement agacé par cette plus-value « installationniste ». Sa dernière exposition à la galerie Neu (Berlin, 2013), plus sobre et moins spectaculaire, était plus persuasive. Elle laissait surtout transparaître, sans prendre le risque de les compromettre dans une mise en scène bavarde, les qualité et mystère d’une oeuvre picturale qui n’a pas besoin d’alibis pour s’affirmer. A major figure from the School of Cluj (Romania), now based in Berlin, Victor Man was recently- designated “artist of the year” by the Deutsche Bank, and given the run of their spaces on Unter den Linden for what is his first German retrospective. The show confirms his centrality in the tendency that has developed over the last few decades in Antwerp, Cluj, Krakow and Leipzig, one which combines exploration of the pictorial medium with atmospheres that can be surprising or oneiric, pseudo-avant-garde or academic, depending. The iconography is heterogeneous and opaque, the references diverse, ranging from the collective to the personal and autobiographical, the formats often small. The overall tone is dark, with the works fitting into presentational devices using highly precise, not to say mannered lighting. One can find this “installationist” added value wondrous or irritating. Man’s last show at Galerie Neu (Berlin, 2013) was more restrained and less spectacular, and more convincing. Above all, it gave a sense of the qualities and mysteries of a body of work that has no need of outside justifications to stake its claims, and certainly no need of compromising, grandiloquent staging.
Translation, C. Penwarden On sort transformé de l’exposition Dead Reckoning (Navigation à l’estime) de l’artiste tchèque Zbynek Baladran : on n’est plus le même spectateur. La façon dont agissent ses oeuvres n’a rien de mystérieux : elles déchirent le voile de nos représentations intimes et collectives. L’exposition est construite en deux parties : au rez-de-chaussée de la Synagogue, devant un long tableau noir coupant l’espace en deux, des phrases suspendues, imprimées sur des rubans de papier, nécessitent pour être lues des contorsions de la part du visiteur. Baladran affiche d’emblée sa méthode dialectique et son désir de « forcer » le spectateur, d’atteindre son corps et son esprit. Les phrases s’offrent comme des citations qu’on a envie de mémoriser – bandes-annonces des vidéos (à l’étage) dont elles sont extraites : le microscope et le télescope du temps et Dead Reckoning. Baladran réalise des dispositifs, associant images et textes, impliquant le détournement, le montage et l’assemblage d’images, sous forme le plus souvent de videos essays. Ceux-ci, véritables storytellings théoriques et poétiques, suscitent un état paradoxal d’hypnose lucide. Dans la lignée de Guy Debord et de Jean-Luc Godard, Baladran met en scène notre relation à un imaginaire politique marqué par le communisme. Ce manipulateur d’images écrit aussi les textes précis et elliptiques qui, dits en voix off, interfèrent avec ses montages d’images. Ses vidéos captivent le spectateur, produisant des « malentendus » dialectiques : « sans malentendu, pas de mouvement », « pas d’oeuvres nouvelles », « pas de futur ». Visiting the exhibition Dead Reckoning by the Czech artist Zbynek Baladran is a transformative experience. There’s no mystery to the way his art works: it tears open the veil of our personal and collective representations. This show comprises two parts. On the ground floor of this former synagogue, hanging in the air in front of a long table that splits the space in half, are strips of paper with words printed on them. To read them visitors must perform contortions. Baladran openly proclaims his dialectical method and his desire to “force” visitors, to touch their bodies and their minds. The phrases are memorable quotes, almost like trailers for the videos on the second floor they are taken from: The telescope and microscope of time and Dead Reckoning. Baladran’s method is to create montages of texts and images that by associating them subverts them. His video essays tell a theoretical and poetic story, producing a paradoxical state in which the viewer is both hypnotized and fully awake. Like Guy Debord and Jean-Luc Godard, Baladran explores our relationship to the political imaginary marked by communism. This manipulator of images also writes precise, elliptical texts that when read in a voice-over interfere with his montage of images. His videos captivate viewers, generating dialectical “misunderstandings:” “without misunderstanding no motion,” “no new artworks” and “no future” ( The Telescope…).
Translation, L-S Torgoff