SCULPTURES À ACTIVER
Un couple de santons suisses sortis d’un coucou fait quelques pas de danse ( Helvet Undergroung, 2009), deux bêtes poilues affalées sur un morceau de banquise se précipitent par intermittence sur un ventilateur ( les Aubes sont navrantes, 2009), Adam et Ève en yetis se peignent nonchalamment les cheveux près d’un feu ( Édénique, 2012)… Autant de sculptures activées par Clédat & Petitpierre, leurs corps étant introduits dans les costumes farfelus créés par Coco, spécialiste du « mou », et évoluant dans les environnements figuratifs stylisés élaborés par Yvan, en charge du « dur ». Bien que décisive, cette activation n’est pourtant qu’une option, les costumes pouvant également être laissés inertes et enfilés par des mannequins en plastique. C’est que, formé aux arts appliqués, le duo pense essentiellement sa pratique en termes de sculpture, de position du corps et d’occupation de l’espace. Aussi, l’activation des costumes vaut moins pour les gestes qu’elle orchestre que pour les volumes qu’elle décline et compose. Soit une inscription paradoxale du mouvement dans le champ de la sculpture qu’accentue encore l’absence de toute forme d’énergie au profit de l’extrême lenteur des déplacements, mais aussi la substitution d’une vision frontale propre au théâtre en faveur d’une vision ouverte et d’une libre circulation des spectateurs autour de masses mobiles et immobiles. Afin de focaliser le regard, en dehors de toute interprétation littéraire, sur les aspects sculpturaux de leurs productions, Clédat & Petitpierre prennent le parti de l’insignifiance à la fois la plus radicale et la plus burlesque. Celle-ci opère sur plusieurs plans. Tout d’abord dans le choix des sujets, aussi immédiatement identifiables que dénués de sens, comme les deux bonshommes de neige tournant autour d’une branche de houx de 0° (2011), les morceaux de gruyère en caoutchouc où s’empêtre le corps de Petitpierre ( Comme un gant, 2001), ou les santons suisses d’Helvet Underground. L’insignifiance opère ensuite dans la dépersonnalisation des corps. En effet, entièrement camouflés par les imposants costumes sans visages ni regards de Petitpierre, rien ne subsiste de leurs éventuelles singularités ou particularités : sortes de pantins dénués d’intériorité à extérioriser, et dont les manifestations se dérobent, de fait, à toute lecture psychologisante. Enfin, l’évidement du sens est à l’oeuvre dans les déplacements des corps eux-mêmes. Ici, nuls narrations ou scénarios, mais des scripts corporels réduits au minimum, des partitions de gestes et de positions à partir desquels sont improvisées des déambulations. En d’autres termes, sujets, corps et mouvements conjuguent ici leur idiotie, leur irrécupérable absurdité, de manière à ce que l’attention se concentre sur leurs qualités strictement sculpturales.
MÉMOIRE DU CORPS
Du moins a priori, car les interactions entre corps-costumes et environnements sculpturaux mettent le plus souvent en scène la figure du couple et de son territoire. Rapprochements, éloignements, mouvements synchronisés, désynchronisés, mais sur-