L’Âme à l’envers
Actes Sud L’Âme à l’envers, le dernier roman d’Eugène Durif, pose, dans un style sobre, des questions essentielles, et évoque quelques figures singulières de la littérature comme Cesare Pavese et, surtout, Stanislas Rodanski. Le point de départ est on ne peut plus banal : la belle Elma quitte le narrateur, photographe. Oui, mais voilà : comment rompre vraiment de nos jours, alors que la possibilité de rappels est infinie ? Elma ne cesse d’envoyer des SMS de regrets à son ex-amoureux, que cela torture. Elle lui reproche aussi de n’avoir vu en elle qu’une image. Se pose la question de la sincérité du regard dans nos sociétés où il est parasité en permanence par des écrans, des reproductions. Pour voir la vérité d’un corps, devra-t-on nécessairement aller dans les clubs échangistes que le narrateur a fréquentés auparavant, où nudité, anonymat et impudeur aboutissent à une forme de pureté, de présence réelle ? Dans un autre domaine, celui de la poésie, il semble que ce soit cette quête de pureté – lui-même parlait de « stupéfiant-pureté » – qui ait conduit Stanislas Rodanski au coeur de la folie. Après de premiers espoirs surréalistes déçus, il sera hanté par des « horizons perdus », ou « H.P. ». « Trop exigeant pour vivre », comme il l’écrivait, il se fera interner en 1953, à 27 ans, à l’hôpital psychiatrique SaintJean-de-Dieu à Lyon, où il mourra en 1981. Le narrateur l’a rencontré dans sa jeunesse. Il se souvient d’un être silencieux, comme absent à lui-même: est-ce son propre avenir que décrit le narrateur ? Non, car lui choisit de recommencer, de repartir. De Rodanski, on citera la Victoire à l’ombre des ailes, avec une belle préface de Julien Gracq et des illustrations de Jacques Monory, seul livre paru de son vivant, et un recueil de poésie, paru en en 2013, Je suis parfois cet homme.