Habiter l’Anthropocène
PCA éditions En 2002, le géochimiste et prix Nobel Paul Crutzen avance la thèse que la Terre est parvenue à un point de nonretour : les conséquences de l’action humaine sont directement mesurables sur le devenir de la planète, entraînant l’avènement d’un nouvel âge géologique, l’Anthropocène. Le partage établi par les modernes entre nature et culture n’est plus valable, et les questionnements scientifiques, politiques et éthiques se révèlent inextricablement liés. À bien des égards, imaginer un nouveau continuum entre nature et société diffère peu des enjeux fondamentaux de l’urbanisme et de l’architecture. À ce titre, il était pertinent qu’une publication comme Stream, revue-livre architecturale à vocation transdisciplinaire, se saisisse du sujet. Avec une ambition d’exhaustivité, ouvrant ses pages à des penseurs et artistes de tous bords (Saskia Sassen, Richard Sennett, Pierre Huyghe, Nicolas Bourriaud, MarieAnge Brayer, etc.), c’est lorsque les contributions se font les plus spécifiques qu’elles frappent le plus juste. Des trois parties, celle consacrée à l’architecture retient particulièrement l’attention. En vue d’élaborer des scénarios singuliers, quatre villes sont étudiées : Paris, ville classique européenne; Détroit, symbole de l’échec de la suburbia américaine ; Songdo, prototype de la ville neuve asiatique ; Rio, ville du Sud pour le type d’urbanisme informel propre aux favelas. Les ressources descriptives d’un concept comme l’Anthropocène, qui permet de mettre un nom sur les mutations confusément ressenties au quotidien, explique l’appétence des médias à son égard. Mais c’est aussi – et avant tout – un appel à la responsabilisation : de force, l’homme est ramené sur le devant de la scène. Or c’est à l’échelle du local, dans l’ombre portée des grands concepts, que se construisent les réponses.