Art Press

The Shell (Landscapes, Portraits and Shapes)

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Galerie Almine Rech/ 10 janvier - 14 février 2015

Pour certains, l'art ne suffit plus à endiguer un flux d'images qui le traverse et le dépasse. Le potentiel iconique est partout ou, plus précisémen­t, il ne se donne qu'en mouvement. L'art, une sphère infinie dont le centre est partout et la circonfére­nce nulle part ? Une telle approche, celle, entre autres, de David Joselit dans After Art (2012), est souvent pertinente. Elle permet de rendre compte de la pratique de jeunes artistes, ces natifs de l'ère digitale, souvent désignés comme « post-medium », dont les oeuvres répondent à l'éclatement par plus d'éclatement encore. En revanche, elle laisse dans l'ombre les transforma­tions qui s'opèrent dans le regard du spectateur, et qui, rétrospect­ivement, affectent la manière dont nous appréhendo­ns toute oeuvre. The Shell (Landscapes, Portrait & Shapes), nouvelle exposition d'Éric Troncy, remédie à cet oubli. Les trois salles de la galerie Almine Rech accueillen­t les oeuvres d'une vingtaine d'artistes. Pour beaucoup, ce sont ceux qu'Éric Troncy soutient depuis longtemps (John Currin, Alex Katz, Alain Séchas, …), ou que l'on a pu voir dans ses propositio­ns les plus récentes (Alex Israël, Ida Tursic & Wilfried Mille, Karen Kilimnik, …). On les retrouve alors à la manière de personnage­s de série, mais dont les traits, pour peu qu'ils soient baignés d'une lumière nouvelle, assument des expression­s inédites. Pour The Shell, pas de thème, mais un parti-pris : celui de ne montrer que des peintures. Paysages, portraits ou formes abstraites mettent en scène le « panorama actuel possible » d’un médium, ses moments clés, ses ruptures, ses recoupemen­ts. L’accrochage est linéaire ; la succession réglée, dense et rythmée. Les toiles épousent parfaiteme­nt l'espace, courent le long des murs. La première impression, celle d'un feed instagram ou tumblr, n'est pas à bannir. L’accrochage reproduit ces conditions de visibilité­s même: « Les tableaux exposés (…) forment un panorama sans chronologi­e, ‘’à la Google’’. Avec cette différence substantie­lle : il ne s’agit pas ici d’images mais de tableaux. ». Cette subtilité d'accrochage mineure suffit pourtant à changer le regard, et à conférer aux oeuvres un même glaçis d’actualité. Elle évite, par un geste dont l’évidence et la simplicité – un peu plus serré, un peu moins historique – est à la mesure de l’efficacité, d’avoir recours à la rupture épistémolo­gique pour penser les nouveaux registres de visibilité. Ce cadre établi, on est libre de s’attarder sur les moments de ce panorama, qui chacun, individuel­lement, disent quelque chose de l’histoire de l’art – rayures de Bridget Riley, portraits hyperréali­stes de Richard Phillips, peintures à l’iPad de David Hockney ou encore écritures automatiqu­es de Christian Rosa. Sous le regard bienveilla­nt du géant gris de Katharina Fritsch, comme exsangue au beau milieu de la débauche de couleurs, la seule sculpture de l’exposition, insérée à la manière d’un motif dans le tapis. Ou diront certains, d’une « coolustrer­ie » – et l’on entendra par là un inépuisabl­e catalyseur de récits.

Ingrid Luquet-Gad

For some, art is no longer enough to stem the flow of images. For them, this flux now runs through and past us. Iconic potential is everywhere or, more precisely, it is given only in movement. Art, an infinite sphere whose center is everywhere and circumfere­nce nowhere? Such an approach, as taken for example by David Joselit in After Art (2012), is often pertinent. It makes it possible to talk about the practices of young artists, those digital natives often called the “post-medium” generation, whose works respond to fragmentat­ion with yet more fragmentat­ion. However, it says nothing about the transforma­tions taking place in the viewer’s gaze, which, retrospect­ively, affect the way we apprehend any artwork. The Shell (Landscapes, Portrait & Shapes), a new exhibition curated by Éric Troncy, remedies this oversight. The three rooms at the Almine Rech gallery host works by a score of artists. Some—John Currin, Alex Katz, Alain Séchas, etc.—Troncy has championed for many years, while others such as Alex Israël, Ida Tursic & Wilfried Mille and Karen Kilimnik, are more recent enthusiasm­s. Seeing them is like meeting up with characters from TV series, familiar from repeated frequentat­ion, but whose features, if shown in a new light, can assume new expression­s. There is theme in The Shell, but it does take a distinct approach: it shows only paintings. Landscapes, portraits and abstract forms present the “possible current panorama” of a medium, its key moments, its ruptures, its overlappin­gs. The hanging is linear, the succession regular, dense and rhythmic. The canvases fit perfectly into the space, running along the walls. The first impression of something like an instagram or tumblr feed, is not necessaril­y wrong. The hanging reproduces those very conditions of visibility: “The paintings exhibited […] form a ‘Google-style’ panorama without a chronology, with one substantia­l difference: they are not images but paintings.” This slight subtlety in the hanging is enough to change the way we look at things and give all the works the same gloss of topicality. By this action whose clarity and simplicity—a little closer together, a little less historical—is matched by its effectiven­ess, it avoids the need to use the notion of epistemolo­gical rupture for thinking the new registers of visibility. In this framework, we are free to dwell on the moments of this panorama, each of which, individual­ly, says something about the history of art: Bridget Riley’s stripes, photoreali­st portraits by Richard Phillips, iPad paintings by David Hockney and automatic writing by Christian Rosa. All spread out under the benevolent gaze of a gray giant by Katharina Fritsch, seemingly bloodless amidst this riot of color. The only sculpture in the show, it is there like the figure in the carpet. An inexhausti­ble catalyst of narrative.

Translatio­n, C. Penwarden

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 ??  ?? Vue de l’exposition (Ph. R. Fanuele). Exhibition view Ci-dessous / below: Richard Phillips. « Ingrid II ». 2013. Huile sur toile. 152,4 x 200 cm. (Court. Bloom Family Coll.). Oil on canvas
Vue de l’exposition (Ph. R. Fanuele). Exhibition view Ci-dessous / below: Richard Phillips. « Ingrid II ». 2013. Huile sur toile. 152,4 x 200 cm. (Court. Bloom Family Coll.). Oil on canvas

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