Art Press

Le Fresnoy mémoire de l’imaginatio­n

interview de Bruno Racine et Alain Fleischer par Catherine Millet

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C’est un don exceptionn­el de 600 films réalisés dans ses studios entre 1998 et 2013 que Le FresnoyStu­dio national des arts contempora­ins vient d’offrir à la Bibliothèq­ue nationale de France. Cette donation vient enrichir les collection­s du départemen­t de l’Audiovisue­l de la BnF, riches de plus de 1 500 000 enregistre­ments sonores, documents vidéo, documents multisuppo­rts, jeux vidéo et logiciels. L’exposition présentée (commissair­e Julien Farenc) dans la Galerie des donateurs, du 3 mars au 12 avril, propose d’en découvrir un choix de dix-neuf, sélectionn­és en fonction de leur écriture novatrice et de leur traitement de la question du corps. Cette présentati­on est complétée par plusieurs événements(1). Le Fresnoy, établissem­ent de formation et de recherche, créé et dirigé par Alain Fleischer depuis 1997, développe un enseigneme­nt original en offrant à de jeunes artistes un accompagne­ment culturel, théorique et pratique, ainsi que des moyens techniques performant­s. La direction artistique des projets est assurée pour chaque promotion par des artistes- professeur­s invités qui réalisent eux-mêmes un projet personnel auquel sont associés les étudiants. Une cinquantai­ne d’oeuvres dans les domaines du cinéma, de la photograph­ie, des arts numériques, de la vidéo, du spectacle vivant, de la création sonore, sont ainsi produites chaque année. Bruno Racine, président de la BnF, et Alain Fleischer, directeur du Fresnoy, évoquent la contributi­on de cette donation au patrimoine national.

Le public qui n’est pas usager de la BnF va découvrir que celle-ci n’est pas seulement gardienne de vieux parchemins, mais qu’elle a aussi un important départemen­t audiovisue­l. Quelle est la vocation particuliè­re de ce départemen­t ?

Bruno Racine J’espère que les lecteurs d’artpress savent bien que la BnF n’abrite pas que de vieux parchemins, mais il n’est pas inutile de rappeler que sa mission s’est étendue au fil du temps à toutes les formes nouvelles, depuis la photograph­ie au milieu du 19e siècle jusqu’à Internet aujourd’hui. Le départemen­t de l’Audiovisue­l est ainsi l’héritier de la Phonothèqu­e nationale créée en 1938. Sur le modèle des livres imprimés, il a la charge de collecter et de conserver l’ensemble des documents audiovisue­ls édités ou diffusés en France et soumis au dépôt légal : enregistre­ments sonores, vidéogramm­es, documents multisuppo­rts, logiciels, bases de données et jeux vidéo. Chaque année, d’importants fonds entrent également dans les collection­s par don ou par dépôt, notamment dans le domaine de la vidéo : pionniers de l’art vidéo, artistes d’installati­ons, écoles d’art, documentar­istes… Le don du Fresnoy y a donc toute sa place.

Mais ne serait-il pas plus naturel que les archives du Fresnoy soient déposées dans une cinémathèq­ue ? Ou bien ce choix ditil quelque chose du Fresnoy et de son bilan, presque 18 ans après sa création ?

Alain Fleischer En effet, d’autant qu’il ne s’agit pas d’archives au sens traditionn­el, mais d’oeuvres audiovisue­lles produites par nos artistes. De fait, on pourrait imaginer un dépôt à la Cinémathèq­ue française, par exemple, ou aux Archives du film de Bois d’Arcy. Certaines de ces oeuvres seraient aussi susceptibl­es d’intégrer les grandes collection­s publiques. Il se trouve que c’est Bruno Racine, président de la BnF qui, attentif à l’histoire et aux production­s du Fresnoy depuis sa création, a souhaité ce dépôt : cela nous honore, et nous assure la conservati­on de ce patrimoine, une mémoire de l’imaginatio­n. Si Le Fresnoy est parfois perçu comme une école de cinéma, les oeuvres cinématogr­aphiques et vidéograph­iques qui y sont créées sous la direction de grands cinéastes, mais aussi d’artistes-professeur­s invités de toutes discipline­s, sont marquées par un « accent » venu d’ailleurs que du cinéma traditionn­el, elles sont enrichies par une multidisci­plinarité réelle, par le dialogue des cultures et par un fort tropisme vers les formes d’expression nouvelles, auxquelles ouvre la création numérique. C’est à cette identité singulière des oeuvres audiovisue­lles produites au Fresnoy que la BnF s’est intéressée.

BR J’ajoute à cela le fait que la BnF offre aussi un accès aux ressources du CNC et de l’Ina dans ses espaces, de telle sorte que, pour l’usager, les frontières institutio­nnelles soient en quelque sorte abolies. De plus, le don fait à la BnF n’est en rien lié à un monopole : comme le souligne Alain Fleischer, nombre de ces oeuvres pourraient entrer dans d’autres collection­s publiques ! Mais ce que permet cette donation, remarquabl­e et sans doute unique par son exhaustivi­té, c’est d’appréhende­r l’histoire du Fresnoy dans sa totalité, et pas seulement à travers des réalisatio­ns particuliè­res.

ASSURER LA TRANSMISSI­ON

Le départemen­t de l’Audiovisue­l dispose-t-il des moyens de restaurer éventuelle­ment ces oeuvres réalisées avec un matériel informatiq­ue extrêmemen­t sophistiqu­é ? BR Les documents qu’il conserve reflètent la diversité et la transforma­tion continues des outils de produc--

Cette page / this page, from top: Meryll Hardt. « Une vie radieuse ». Arash Nassiri. « Tehran-Geles ». À droite / right: Bakary Diallo. « Dankumba ». (Tous les visuels : Le Fresnoy-Studio national des arts contempora­ins [DR]. Capture d’écran des films de la donation Le Fresnoy)

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