Art Press

Chris Ofili

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New Museum / 29 octobre 2014 - 1er février 2015

La première rétrospect­ive américaine de Chris Ofili évoque peu l’impact politique de son oeuvre de jeunesse : Holy Virgin Mary (1998), Madone noire sexualisée, avait failli causer le retrait des subvention­s de la Ville de New York au Brooklyn Museum sous l’ultra-conservate­ur maire Rudy Giuliani, en raison du prétendu anti-catholicis­me de l’oeuvre. Chris Ofili: Night and Day montre avant tout les étapes formelles du parcours de l’artiste, mais sans trop de linéarité. Ainsi, la présence au détour d’un des escaliers filants du bâtiment de Shithead (1993), oeuvre réalisée à l’aide de bouse d’éléphant, de dents humaines et de cheveux de l’artiste, renvoie, au deuxième étage, aux premières toiles dites « signature » d’Ofili reposant sur des bouses d’éléphant séchées et enduites de résine. Absolument décomplexé­s dans leurs délires afro-psychédéli­ques et leur irrévérenc­e pop, ces tableaux sont contrebala­ncés, dans une salle adjacente, par la série plus directemen­t politique présentée à la Biennale de Venise (2002), quand Ofili avait remplacé les couleurs du Royaume-Uni par celles du drapeau afro-américain. Du passage des révisions grimaçante­s de l’histoire de l’art (Rodin… The Thinker), 1997-8) ou des superhéros attirant l’attention sur la fétichisat­ion de la culture afro (The Adoration of Captain Shit and the Legend of the Black Stars [Third Version], 1998) aux édens rouges et verts de la série vénitienne, on retient que la manipulati­on des icônes et des représenta­tions dominantes passe surtout par un travail sur la texture et la surface. Ce que vérifient deux autres grandes sculptures, Saint Sebastian (2007), jeu sur l’hybridatio­n de l’iconograph­ie chrétienne et le primitivis­me, et Annunciati­on (2006), qui poursuit le travail sur l’incarnatio­n de la Vierge mais avec moins d’humour, ramenant cette sculpture au premier degré du kitsch koonsien. Le travail d’Ofili révèle mieux sa force en deux dimensions, notamment dans les toiles somptueuse­s de la série Blue Rider (2006-14). Exposées dans l’obscurité, elles ne sont pas sans rappeler l’oeuvre séminale de David Hammons sur l’invisibili­té de l’oeuvre d’art, Concerto in Black and Blue (2002), ou peut-être encore les dernières toiles de Rothko ; mais elles révèlent progressiv­ement des scènes de lynchage ( Iscariot Blues, 2006) ou des créatures fantastiqu­es. Moins sombres, les toiles du dernier étage reprennent les explosions chromatiqu­es du premier Ofili, dans des formes plus souples et une matière plus fluide. Elles s’inscrivent magistrale­ment sur une immense peinture murale tout en violets dilués (Ofili s’était attaqué deux ans plus tôt à la peinture monumental­e et à Ovide pour les décors de Metamorpho­sis: Titian 2012, dont les costumes et des vidéos sont aussi visibles au New Museum). La confusion parfaiteme­nt contrôlée entre la figure et le fond, le motif décoratif et l’abstractio­n, poserait Ofili en vieux maître – si ne continuait à transparaî­tre une forme de malice – portée par ses titres ( Frogs in the Shade, 2014) ou l’érotisme de ses toiles.

Vanina Géré

Chris Ofili’s first American retrospect­ive seems to ignore the political impact of his early piece Holy Virgin Mary (1998), a sexualized Black Madonna that almost caused the city’s conservati­ve mayor Rudy Giuliani to cut off the Brooklyn Museum’s funding because of its alleged anti-Catholicis­m. Chris Ofili: Night and Day emphasizes the formal stages in his developmen­t without getting too linear about it. For instance, Shithead (1993), a piece made of elephant dung, human teeth and the artist’s hair, installed behind a long stairway, resonates with Ofili’s early so-called “signature” paintings on the third floor, resting on dried and shellacked elephant turds. These paintings, totally unapologet­ic in their Afro-psychedeli­a and Pop irreverenc­e, are counterbal­anced by the more directly political work presented at the 2002 Venice Biennale when Ofili replaced the colors of the British flag with Pan-Africanist red, green and black. From his grimacing reinterpre­tations of art history classics (Rodin’s The Thinker, 1997-8) and superheroe­s foreground­ing the fetishizat­ion of Afro culture ( The Adoration of Captain Shit and the Legend of the Black Stars [Third Version], 1998) to the red and green paradises of the Venetian series, variations on texture and surface are used to transform icons and dominant representa­tions. This is confirmed by two other largescale sculptures, Saint Sebastian (2007), a playful hybrid of Christian and Congolese iconograph­y, and Annunciati­on (2006), another of his treatments of the Virgin Mary, but this time with less humor and more Koonsian kitsch. Ofili is at his best when working in two dimensions, like the gorgeous paintings of the Blue Rider series (2006-14). Shown in a darkened room, they bring to mind David Hammons’s seminal piece about the invisibili­ty of the artwork Concerto in Black and Blue (2002) or maybe Rothko’s last paintings, but on closer examinatio­n turn out depict lynching scenes ( Iscariot Blues, 2006) and fantastica­l creatures. The less somber paintings on the top floor revisit Ofili’s initial chromatic explosions, now more fluid in terms of forms and paint handling. They are hung on a magnificen­t wall painted in pale violets. This is not the first time Ofili has turned to Ovid (he did the backdrops for the ballet Metamorpho­sis: Titian 2012— the costumes and videos are also on view at the New Museum). The perfectly controlled confusion between figure and ground, decorative motifs and abstractio­n, would position Ofili as an old master if only it weren’t for the hint of mischief in the titles ( Frogs in the Shade, 2014) and the eroticism of his paintings.

Translatio­n, L-S Torgoff

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 ??  ?? « Frogs in the Shade ». 2014. Huile sur lin. 310 x 200 cm. (Court. l’artiste et David Zwirner, New York / Londres). Oil on linen. Ci-dessous / below: Vue de l’exposition (© C. Ofili. Court. David Zwirner, New York / Londres ; Ph. M. Hutchinson / EPW)....
« Frogs in the Shade ». 2014. Huile sur lin. 310 x 200 cm. (Court. l’artiste et David Zwirner, New York / Londres). Oil on linen. Ci-dessous / below: Vue de l’exposition (© C. Ofili. Court. David Zwirner, New York / Londres ; Ph. M. Hutchinson / EPW)....

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