Guillaume Pinard
Le Quartier, centre d’art contemporain / 31 janvier - 17 mai 2015 Un trou dans le décor est à ce jour la plus ample des expositions de Guillaume Pinard. Si le travail actuel de cet artiste se nourrit principalement de son regard sur l’art, les oeuvres et les institutions, il ne s’agit cependant pas d’une attitude citationnelle, mais plutôt iconographe. Ses reports au fusain en vastes dessins muraux – de peintures repérées dans les musées (ici un détail mal fichu du chef-d’oeuvre de Rubens, la Chute des damnés, par Charles-Emmanuel Biset vu au musée des beaux-arts de Quimper), de l’ensemble des scènes de la colonne de Trajan, ou bien encore cette réjouissante déclinaison du motif de la décapitation à travers la figure étrange d’un peintre breton, Yan’ Dargent – ou bien encore en peintures et en sculptures, impressionnent par leur virtuosité et leur drôlerie ironique. Prenant le contrepied de l’obsession de la transparence des oeuvres et de leur réduction à des formules méthodiquement médiatisées, Pinard opte pour l’énigme, voire l’invisibilité. Il se tient ainsi sur une position très tendue entre ce que l’oeil et l’esprit de l’artiste reçoivent (ici l’art comme condensé de réel) et ce qu’ils restituent par le moyen de cet « art sans destinataire », pour reprendre le titre d’un ses livres. Pinard, en effet, publie des ouvrages où, souvent, alternent textes et dessins, et dont le dernier, Amor (Sémiose éditions), constitue la source jubilatoire et très stimulante de cette exposition. À l’heure où l‘avenir même du Quartier se voit menacé par une réduction drastique de la subvention municipale, l’oeuvre de Guillaume Pinard oppose au populisme ambiant l’exigence d’une analyse subtile et sans concession des procédures de création. Un trou dans le décor (A Hole in the Scenery) is the most extensive exhibition of work by Guillaume Pinard to date. While his current production mainly involves his take on artworks and museums, his intent is not so much citational as iconographic. Sometimes he does large charcoal drawings on walls reproducing paintings found in a museum, such as a botched detail taken from Rubens’s The Fall of the Damned he spotted in a painting by Charles-Emmanuel Biset at the Quimper fine arts museum, an ensemble of scenes from Trajan’s column, and a delightful series of variations on the theme of decapitation using strange paintings by the Breton painter Yan’ Dargent. At other times he makes paintings and sculptures marked as much by ironic humor as his virtuosity. Going up against the common obsession with the transparency of artworks and their reduction to systematically mediated formulas, Pinard gives us enigmas and the frankly indiscernible. He takes what his eye and mind captures (art as a condensation of the real) and reconstitutes it in an “art addressed to no one,” to borrow the title of one of his books. He has published many, often alternating texts and drawings. The latest, Amor (Sémiose Éditions), is the joyous and very stimulating source of this exhibition. At a time when a drastic reduction in municipal funding threatens the future of this contemporary art center, in opposition to today’s reigning populism Pinard offers work that is demanding—a subtle and uncompromising analysis of the procedures used in art.
Translation, L-S Torgoff