Art Press

Gloria Friedmann

- Catherine Millet

Galerie Mitterrand / 10 avril - 23 mai 2015 Ce qui est formidable chez Gloria Friedmann, c’est l’ardeur avec laquelle elle se lance dans les chantiers pour lesquels elle invente ou réinvente des techniques improbable­s, tels ces dessins au fusain sur toile, de 2013, à la fois âpres et drôles, ou ces peintures sous verre (dans la tradition munichoise !), de grandes dimensions, qui réclament un travail très éprouvant pour un résultat d’aurore boréale. Mais où elle excelle désormais, c’est dans la sculpture, parce qu’elle y atteint un fantastiqu­e très rare dans ce domaine. La dimension concrète de la sculpture empêche qu’on y reconnaiss­e de purs produits de l’imaginaire, quand elle ne les rend pas ridicules. Or, à chaque nouvelle exposition de Gloria Friedmann, on y croit, bien que par ailleurs, elle se renouvelle beaucoup. Le choix des matériaux y est pour quelque chose, et pour cela aussi, elle expériment­e. Ici, les oeuvres de la série ProteinSpe­cies et Everyday Robot, sont réalisés dans un plâtre de résine immaculé, à l’aspect velouté, qui déréalise les figures, comme si le sable qui les constitue s’apprêtait à se diffuser dans l’atmosphère. Avec le groupe de trois personnage­s lobotomisé­s et l’autruche à tête humaine qui se mange le nez, on retrouve les thèmes récurrents de l’oeuvre : le condition- nement des êtres, l’hybridatio­n de l’homme et de l’animal, et surtout, me semble-t-il, celui de l’enfermemen­t en soi. On éprouve de la compassion pour ces monstres fragiles, si absolument muets. The great thing about Gloria Friedmann is the intensity with which she throws herself into projects, for which she invents or reinvents unlikely mediums, such as these drawings in charcoal on canvas (2013), which are both rough and funny, or these big paintings on glass (in the best Munich tradition) in which a lot of hard work produces results like the aurora borealis. But where she really excels these days is in sculpture, because she achieves a quality of fantasy rarely found in this field. The concrete nature of sculpture prevents us from recognizin­g these works as purely imaginary, or makes them ridiculous. The thing is, every time Friedmann has an exhibition—and although she changes a great deal—we believe. The choice of materials has a lot to do with this, and here too she experiment­s. In this instance, the works in her Protein Species and Everyday Robot were made in resin plaster whose velvety texture makes the figures seem unreal, as if the sand of which they are constitute­d was about to spread into the air. The group of three lobotomize­d figures and the human-headed ostrich eating its nose take us back to this artist’s recurring themes: conditioni­ng, mananimal hybrids and, above all, it seems to me, being locked up inside ourselves. We feel compassion for these fragile monsters, which are so absolutely mute.

Translatio­n, C. Penwarden

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