PHOTOGRAPHIE ET NARRATION
Les instants suspendus que vous montrez avec des dés évoquent aussi l’instant photographique. Or vous vous êtes intéressé de près à des techniques anciennes de photographie. C’est aussi la chimie du sens qui opère dans cette direction de recherche. Dans les années 1960, pour fertiliser les territoires arides dans certaines parties du monde, des scientifiques ont tenté de fabriquer artificiellement des nuages pour faire pleuvoir en envoyant du iodure d’argent dans le ciel, une manière de modifier le temps. La technique d’ensemencement des nuages a évolué ; elle est toujours pratiquée pour lutter contre le désastre de la grêle sur les recoltes. Les molécules de iodure d’argent En dressant à la verticale, le plateau de manège qui constitue l’Horloge (2012), il devient « amnésique », il ne garde de sa propre histoire que la poussière que j’ai préservé sur sa surface et laissée visible.Sa géometrie ressemble à une construction cristallographique, et devient un soleil pétrifié. Il prend cette dimension d’un temps irréversible. Quant à Cinéma (2006), ce sont des scotch de repérages que j’ai récoltés sur des tournages et assemblés en une pelote, qui se sont sédimentés dans un temps géologique, à l’échelle du temps pendant lequel j’ai travaillé dans le cinéma. C’est une concrétion, un bézoard de géant, une planète en devenir. Autres exemples, le Monde maculé (2004) et le Monde immaculé (2004) : les pages du journal sont « monochromisées », l’un s’assombrit et l’autre tend vers le blanc. Cela donne l’idée d’une vidange de l’information, une purge de l’oeil, une désaliénation du regard. C’est le passage du jour et de la nuit au tempo du métronome.