LE NOUVEAU FESTIVAL beauté du jeu
Interview de Michel Gauthier par Éric Loret
Exposition, performances, ateliers, programmation « vidéodanse » : tour d’horizon des rapports aussi évidents que complexes entre pratiques artistiques et ludiques avec Michel Gauthier, conservateur au Musée national d’art moderne, qui a élaboré en compagnie de Cyril Jarton, critique et professeur, la sixième édition du Nouveau Festival sur le thème de la « beauté du jeu ».
Art et jeu sont intimement liés dans une certaine tradition esthétique. Quels choix avez-vous opérés, comment les avezvous démêlés ? Nous travaillions avec Cyril Jarton à un projet d’exposition historique sur les relations entre art et jeu depuis les Arts incohérents, à la fin du 19e siècle, quand on nous a proposé ce thème du jeu pour le Nouveau Festival. Nous avons essayé de prendre des points d’entrée différents, sans être exhaustifs, et aussi une perspective contemporaine. Nous avons aussi voulu favoriser l’interactivité, exposer des pièces qui généraient d’elles-mêmes des formes d’animation plutôt que proposer un parcours historique. La réactivation des jeux Fluxus est une partie importante de l’événement. Cette renaissance a-t-elle été aisée ? Cela a demandé un an de recherches. On ne savait pas toujours exactement ce qu’il y avait dans les boîtes, on avait des photographies, mais on est allé les voir, en France, en Allemagne, pour les détailler. Pour certains jeux, il a fallu réaliser un travail d’enquête pour établir les règles. Mais parfois aussi ces jeux sont des antijeux : ils sont faits pour ne pas être joués, ce qui a parfois compliqué la tâche. Chez les artistes Fluxus, la modalité du jeu est la solution principale pour rendre une oeuvre interactive, mais cela les gêne qu’il y ait un gagnant et un perdant. Un certain nombre trafique donc les règles. Il s’agit de ne pas ériger le jeu en valeur suprême ni en puissance qui sauverait l’art et la société : rendons les jeux impossibles à jouer.