PENTECÔTE LITTÉRAIRE l’écriture et la foi
François Angelier Bloy ou la fureur du Juste Points, « Sagesses » François Cassingena-Trévedy Étincelles IV. Le couvre-feu Ad Solem
L’intériorité, la conscience, sont les lieux où un sens est cherché, parfois donné, à l’existence. Et ce sens peut, à la lumière d’une conversion par exemple, devenir religieux. Traduisant une grâce, le sens en question se coule alors dans un moule qui, paradoxalement, libère, intensifie et amplifie au-delà du visible l’existence de celui qui le reçoit. Dans le cas du christianisme qui nous occupera seul ici, la Révélation passe de l’événement universel à l’événement personnel, les deux dimensions étant chevillées l’une à l’autre, inséparables. Dans cette même conscience, des phrases s’élaborent, des idées s’articulent, des images naissent. Directement attachée à sa conviction, la littérature devient, pour l’homme de foi, un mode d’expression – et aussi de divulgation et de transmission, d’explication et de défense, de polémique ou d’apologie. En cette matière, écrire c’est donc témoigner, le plus adéquatement possible, à la hauteur, y compris esthétique, du Sujet traité : Dieu. dévastateur – y compris, en certaines circonstances, de sa propre vie. L’exaltation de la souffrance, toujours rapportée à celle du Christ, fut, chez lui, une constante, que l’on aurait grand tort de ranger, sans plus d’examen, dans la catégorie des pathologies religieuses ou des foucades sectaires… « Le chrétien sans souffrance est un pèlerin sans boussole. Il n’arrivera jamais au Calvaire », écrivait-il. Et aussi : « Prier, attendre et souffrir, telle est la vie du chrétien. » Pour Bloy, écrire ne diminue pas la portée de ces trois verbes mais leur donne une lisibilité et une visibilité surnaturelles. François Angelier connaît à la perfection le texte bloyen, et son contexte. Son petit essai est une remarquable synthèse de ce qui relie ensemble la vie, la pensée et l’écriture du flamboyant écrivain. D’une certaine manière, tous ces éléments se trouvent rassemblés dans le regard ardent, furieux, du vieux Léon en veste de velours dont la photo orne la couverture du livre. « L’écrit sort du croire comme le feu du volcan », souligne Angelier, qui ajoute : « La foi semble offrir à Bloy sa langue propre en une singulière forme de Pentecôte littéraire. » Rappelons que Bloy attendait fiévreusement l’établissement universel du Troisième Règne, celui du Saint-Esprit, après ceux du Père et du Fils. La question d’une priorité entre la foi et la littérature, ne se pose donc pas. Bloy est écrivain parce qu’il croit. Un lien profond attache ensemble ce croire et l’écriture, style autant qu’imagination, qui en procède. Quant au Sujet de cette croyance, Dieu, ce n’en est pas un parmi d’autres. C’est le seul qui vaille, qui mérite littérature. Cet exclusivisme est le contraire d’une limite puisqu’à travers l’Unique, loupe et télescope, on peut regarder autrement, avec une ampleur inédite, mais aussi avec cohérence, le temps et l’espace, l’histoire et la géographie, Marie-Antoinette et Christophe Colomb, ou la Vierge qui pleure sur la montagne de la Salette, ou encore ses contemporains – que Bloy étrilla sans retenue. On peut aussi par le roman, comme le note justement Angelier, se livrer à une « fictionnalisation des vérités théologiques » et exercer sa « volonté de mettre en crise les usages sociaux de la langue ».
ÉTINCELLES
« Un catholicisme spéculatif ne peut me suffire », affirmait Léon Bloy. Cette intellectualisation de la foi n’est pas repoussée par tous les auteurs qui écrivent à partir de la même source. Un exemple contemporain nous est donné par un moine bénédictin de l’abbaye de Ligugé, le frère François CassingenaTrévedy. Il est l’auteur, déjà reconnu et salué, de plusieurs ouvrages de théologie, notamment en matière de liturgie. Mais il y a un autre versant de son oeuvre plus proprement,