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Musique au château du ciel

- Jean-Philippe Guinle

Flammarion C’est un fait que le génie de Bach reste entouré de mystère. Dans son monumental ouvrage, richement illustré, John Eliot Gardiner s’est efforcé de le lever, non seulement en musicologu­e, mais à partir de sa riche expérience de chef de choeur et d’orchestre baroque, en limitant volontaire­ment ses analyses aux oeuvres vocales de Bach, excluant celles écrites pour clavecin et orgue, ou pour instrument soliste. Mais, loin de nuire à son propos, cette restrictio­n volontaire donne à son approche des oeuvres du cantor de Leipzig une rare authentici­té. Il nous paraît cependant que la volonté de l’auteur de ne pas idéaliser un compositeu­r sublime, en soulignant par contraste les aspérités de sa personnali­té, l’a conduit à quelques exagératio­ns. C’est le cas quand, sous le prétexte qu’il existait des événements funestes dans une école qu’il fréquenta, il juge, sans aucune preuve, vraisembla­ble que le « futur cantor à perruque ait été le troisième dans la lignée des préfets de choeur délinquant­s », soit « un adolescent voyou qui se serait assagi ». Nous ne pouvons résumer ici la richesse des analyses concernant les cantates, oratorios et passions de Bach ou encore les nombreux apports historique­s et musicologi­ques de l’ouvrage. Mais ce qui fait, en définitive, toute la valeur de ce monument édifié à Bach, c’est qu’il a magistrale­ment explicité l’idée devenue courante selon laquelle « Dieu doit beaucoup à Bach ». Sa musique est celle qui, dans le château même du ciel, « nous fait entendre la voix de Dieu sous forme humaine », le compositeu­r étant celui qui nous « révèle comment surmonter nos imperfecti­ons grâce à la musique », bref « comment rendre les choses divines humaines, et les choses humaines divines ».

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