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CAVALIER DE L’APOTHÉOSE

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Ángel Peralta Chevaux et taureaux à ciel ouvert Au diable Vauvert près de quatre-vingts ans, qu’on appelle en signe de respect Don Ángel Peralta (surnommé Centaure de Palma del Rio ou Cavalier de l’Apothéose), était justement présent aux arènes de Nîmes en 2013 pour donner l’alternativ­e à Léa Vicens. Né en Andalousie, il est celui qui a donné ses lettres de noblesse à la course équestre. Cavalier exceptionn­el (il a continué de toréer à plus de soixante ans et même la grave blessure reçue en 1990 près de Grenade ne l’a pas empêché de repartir cinq fois au combat), il est aussi un fin poète qui s’explique en vers sur son art. La première partie de son livre aide à suivre et à comprendre le complexe enchaîneme­nt de toutes les figures au cours desquelles cheval et taureau offrent le spectacle d’un superbe ballet. Un ballet qui n’est pas sans danger, pour le cheval et le cavalier, et danger accru ces dernières années où le cheval ne se contente plus de courir « devant » le taureau, comme cela se pratiquait dans le rejoneo d’antan, mais l’affronte de « face et dans la droite ligne du taureau », selon les canons de la tauromachi­e à pied. D’où le lien très étroit que doit nouer le cavalier avec sa monture. Avant de monter à cheval, écrit Ángel Peralta, on doit apprendre à la comprendre et à l’aimer. « Le cheval est un ami, parce qu’il ne trahit pas. Vaillant, parce qu’il affronte le danger. Loyal, parce qu’il se prête en confiance aux ordres. Sincère, parce qu’il ne sait pas mentir, qu’il réagit à tout en fonction de ce qu’il ressent. Guerrier, parce qu’il sait se battre. Fidèle, parce qu’il donne préférence à son cavalier. Et respectueu­x, parce que, dans les prés, il se montre déférent envers les femelles, il les courtise, les défend et ne concrétise l’amour que lorsqu’il s’aperçoit qu’elles désirent être satisfaite­s. » Une belle déclaratio­n qu’on aimerait pouvoir adresser à bien des membres de notre humaine espèce. Quant à l’autre animal, son adversaire, le taureau, Ángel Peralta, pourrait lui rendre un aussi bel hommage en louant sa ténacité, son ardeur, sa bravoure, sa beauté.

IMAGE SAUVÉE DU PICADOR

Tercio de vérité, d’Alain Bonijol, n’est pas consacré au noble et racé équidé du rejoneo, mais à ce qui fut jusqu’à ces dernières années la méprisée monture du très méprisé picador. Il faut avoir entendu les bandes de crétins qui occupent parfois les gradins de certaines arènes siffler le picador dès son entrée sur la piste et le huer à sa première pique. Alain Bonijol rappelle quel spectacle de répugnante boucherie offraient les vieux canassons livrés sans protection aux cornes des taureaux : éventremen­ts, tripaille à l’air, arènes couvertes de dizaines de cadavres de chevaux… Visions qu’Hemingway, dont les essais sur la corrida ne sont décidément pas ce qu’il a écrit de mieux, trouvait comiques. Un des soucis d’Alain Bonijol, qui avait commencé jeune une carrière de torero vite interrompu­e par de sales blessures, a été de réparer l’image du picador en devenant dresseur de chevaux et en inventant d’abord de nouvelles protection­s pour les chevaux, plus légères, plus efficaces, faites notamment avec des tissus anti-balles, puis en mettant au point une nouvelle pique moins traumatisa­nte pour le taureau. Mais l’important à ses yeux était de proposer aux picadors de remplacer leurs lourdes montures, malhabiles à se déplacer, par de nouvelles races de chevaux plus légers qui leur permettent d’offrir un spectacle méritant qu’on les fête (ou les honnissent) à l’égal des toreros de la cuadrilla. Ainsi, il n’est pas rare aujourd’hui de voir les picadors quitter l’arène sous les applaudiss­ements du public. Autre signe : comme les toreros, les taureaux et les ganaderos (éleveurs), les picadors ont désormais un nom, et leurs chevaux aussi. Le combat d’Alain Bonijol pour créer son écurie de chevaux ne fut pas de tout repos. Que de pesanteurs du milieu taurin et de conflits d’intérêts il eut à surmonter ! Et, comme par hasard, en France plus qu’en Espagne.

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Léa Vicens (Ph. DR)
La rejoneador­a Léa Vicens (Ph. DR)

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