Notre désir est sans remède
Actes Sud Dès le titre, qui pourrait être celui d’une nouvelle de Flannery O’Connor – un froid constat lucide –, nous savons que nous allons entrer dans une aventure sans issue, comme Hollywood les aime tant. L’histoire que Mathieu Larnaudie relate ici, avec intensité mais sans pathos, de manière plus psychologique que romanesque, est celle de Frances Farmer, actrice américaine à la beauté ravageuse, qui connut une brève période de gloire à la fin des années 1930 – avec le Vandale (1936) ou l’Or et la Chair (1937) notamment. Gloire qu’elle saccagera avec détermination par l’alcoolisme, ses engagements communistes et des violences sur agents. Cela finit par exaspérer les producteurs et déranger la bonne société. Frances Farmer errera alors d’hôpital psychiatrique en hôpital psychiatrique dont le sordide n’est ici ni éludé ni exagéré : les pensionnaires se laissaient mordre par les rats, comme absentes de leur propre corps, dans une sorte de silence intérieur qui, d’année en année, conduisait les internées à une disparition du monde. Récit glaçant mais qu’il était impossible de passer sous silence. Heureusement pour nous, pour elle, il y eut les quelques années de lumière que connut Frances Farmer. Mais n’était-ce pas déjà un jeu de dupes où l’on ne s’intéressait qu’à sa beauté, son corps, son image et pas du tout à sa personnalité hors normes ni à son intelligence ? Un doute persiste dont rend compte le magnifique portrait de la couverture où le regard ironique et droit de Frances Farmer semble nous dire : « Vous ne m’aurez jamais, je serai toujours libre. » Une insolence radicale, que nous ne pouvons que saluer et que le livre de Larnaudie, riche aussi en réflexions sur le corps et sur l’image, fait rayonner.