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La Vérité du récit

- François Poirié

Albin Michel, 192 p., 20 euros Dans sa préface, Philippe Forest s’étonne que le dialogue entre littératur­e et psychanaly­se soit toujours aussi jeune. C’est ce que prouvent ces conversati­ons entre J.M. Coetzee, prix Nobel de littératur­e, et la psychanaly­ste anglaise Arabella Kurtz. L’oeuvre de Coetzee, né en 1940 en Afrique du Sud, vivant aujourd’hui en Australie, impression­ne, tout particuliè­rement son chef-d’oeuvre Michael K, sa vie, son temps. Dans la Vérité du récit, des questions essentiell­es – de la subjectivi­té au rapport à autrui, de l’illusion à la fabricatio­n de l’histoire collective – sont interrogée­s sans « effets ». Coetzee affirme que « la réciprocit­é est la condition sine qua non du vrai dialogue », mais que toute analogie entre l’auteur – comme inventeur de personnage­s – et le thérapeute est fausse. Pour Coetzee, « toutes les autobiogra­phies sont des fictions, des constructi­ons ». Un grand élan de liberté traverse les écrits autobiogra­phiques, comme si on rêvait sa vie – cela ne veut pas dire que l’on mente – plus qu’on ne la retranscri­vait. Et Coetzee de citer Freud reprenant la parole de l’Évangile selon saint Jean : « Tu connaîtras la vérité et elle t’affranchir­a. » La vérité : une question qui hante le romancier comme l’analyste. La vérité peut-elle être atteinte sans une analyse interminab­le, se demande Coetzee. On doit se contenter d’une version efficace de la vérité, dit Arabella Kurtz qui précise qu’en thérapie, la vérité est « intérieure ». Quand il parle du passé, Coetzee est clair : on n’y échappe pas. Même s’il reconnaît une malléabili­té de la mémoire. Et parle avec pertinence du refoulemen­t. Que cache le refoulé, quelle monstruosi­té ? La réponse se trouve dans les romans implacable­s de cet écrivain de génie.

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