Barbe Rose
Seuil, 192 p., 16 euros C’est un enfant contraint d’abandonner sa propre maison. Sa mère est au volant, on dirait une Furie en train de sauver sa progéniture. Le frère est lui aussi à l’arrière de la voiture. Il faut décamper, le père débloque, il est devenu dangereux pour lui et pour ses proches. Après la Maternité, consacré en 2012 à sa mère, Mathieu Simonet dessine avec force dans Barbe Rose le portrait de son père, un écrivain fou et inaccompli, qui entretenait avec la réalité des rapports plus que flottants. Fasciné par l’occulte, ce père privilégie une connaissance mystique du monde. Pour lui, tout est affaire de signes. Passionné, vibrant, il transmet à ses enfants le goût de la littérature et de la liberté. Quant aux normes sociales, c’est un chapitre beaucoup plus compliqué dans sa vie. Il garde à l’esprit un seul credo : entrer en connexion avec la nature et relire les maîtres au milieu d’un bureau chargé d’objets et de tentures d’inspiration hindoue. Le titre du livre tient son origine des contes ésotériques que le père distribue à ses deux fils pour les divertir, ce que la mère considère d’un très mauvais oeil, comprenant vite que l’illumination prend des allures de secte. Délire, fantasmes et humour: l’écrivain ne cherche pas à donner une image embellie du passé. Sa justesse et l’absence de larmoyant permettent d’approfondir la réflexion, grâce notamment à la retranscription d’extraits des journaux intimes et des lettres du père. Ce dernier, en effet, correspond avec l’écrivain et éditeur Jean Cayrol. Barbe Rose est une épopée intime, mais c’est surtout la transformation de la mémoire dans le temps qui architecture une relation père/fils. Hervé Guibert ne faisait-il pas autre chose quand il mettait en scène ses tantes adorées Suzanne et Louise ?