PAS LA VIE, MA VIE
Au-delà de leurs sensibilités et pratiques différentes, autres préoccupations communes à ces cinéastes invités à l’université de Saint-Denis (où se côtoyaient auteurs de fictions, documentaristes, essayistes, mais aussi scénaristes, monteurs, preneurs de son – dont des femmes: Dominique Auvray, Claire Denis, Penelope Bortoluzzi) : le refus d’un cinéma traditionnel, psychologique, sentimental, moralisateur, et de ses contraintes techniques et financières ; la distance avec toute forme de romantisme ; le souci d’être au plus près, non de la vie, mais de leur vie. Sans reprendre le terme d’autofiction, usé jusqu’à la corde en littérature, disons que c’est la charge autobiographique de leurs films qui On connaissait les liens entre littérature et cinéma. On savait que des écrivains avaient travaillé dans le cinéma, notamment, comme scénaristes et dialoguistes, les grands romanciers américains lors de l’Âge d’or d’Hollywood. On avait vu, en France, des films réalisés par des romanciers, André Malraux, Romain, Gary, Marguerite Duras, Alain RobbeGrillet, François Bégaudeau, Emmanuel Carrère, Éric Vuillard, Michel Houellebecq… Savions-nous que tant d’hommes de plumes avaient été fascinés par les images de la lanterne magique et très tôt tentés d’y apporter leur concours, sous forme de scénarios ou rêvant euxmêmes de faire des films (réalisés parfois, souvent « rêvés ») ? La liste qu’en propose Frédéric Mercier dans son essai les Écrivains du 7e art est impressionnante : Artaud, Céline, Cendrars, Char, Cocteau, Giono, Modiano, Nimier, Prévert, Queneau, Sagan… Parmi les projets avortés, il en est un qui est oublié dans la riche recension de Frédéric Mercier, et à mes yeux pas un des moindres : le scénario d’un film érotique écrit par Georges Bataille pour lequel celui-ci s’était mis en tête de confier le rôle principal à Fernandel, voyant dans cet acteur l’étalon, la bête sexuelle par excellence, à cause de sa face chevaline… Le scénario aurait été proposé à Fernandel. On ne sait rien de sa réaction, mais on peut imaginer...