Art Press

Elmgreen & Dragset

- Nicola Trezzi Traduit par Laurent Perez

Musée d’art / 1er avril - 27 août 2016 Il n’est plus possible de considérer le musée comme un « pur » contenant destiné à présenter, collection­ner et faire l’expérience de l’art. « Expérience » est devenu un mot-clé, donnant accès à une nouvelle approche de plus en plus employée par les artistes invités à présenter leur oeuvre dans le cadre muséal. Cette exposition se situe précisémen­t à l’intérieur de cette zone grise – à une (grosse) exception près. Mêlant des oeuvres existantes, deux nouvelles oeuvres, et une nouvelle commande exceptionn­elle, Powerless Structures (Structures impuissant­es) célèbre et remet en cause, simultaném­ent, le musée et ce qu’il représente. Le travail de « remise en cause », ou plutôt de « destructio­n », apparaît dans un petit nombre d’oeuvres sélectionn­ées par les artistes eux-mêmes. Modern Moses (Moïse moderne, 2006), simulacre de distribute­ur de billets au pied duquel repose un faux bébé dans un couffin, est présenté à côté de l’escalier mécanique du nouveau bâtiment du musée, mettant en évidence l’architectu­re absurde de ce musée aux airs de centre commercial. Une fausse boîte à dons en Plexiglas, installée à quelques mètres de la liste des donateurs et des mécènes du musée, peut être lue comme une subtile critique du mode de financemen­t de l’institutio­n – critique plus murmurée que vociférée toutefois. Other Landscapes (Autres paysages, 2016), à moitié terminé mais complèteme­nt postiche, présente la (fausse) entrée d’une exposition Matisse (imaginaire) à venir dans le même musée, dévoilant le rêve secret de toute institutio­n, fût-elle la plus incline aux expériment­ations radicales : accueillir une exposition grand public à l’entrée de laquelle les visiteurs attendent pendant des heures. Cette interventi­on ironique ouvre sur une nouvelle commande. Dans le hall d’exposition le plus vaste, à l’étage inférieur, Elmgreen & Dragset ont installé une réplique, longue de 33 mètres, d’un segment du mur de Berlin. Une démarche qui suscite de profondes réflexions sur les relations entre l’Allemagne et Israël ou la vénération de reliques historique­s, à commencer par le Mur des lamentatio­ns ; la référence n’est par ailleurs que trop claire à la « barrière de séparation israélienn­e ». Intitulée For as Long as It Lasts (Aussi longtemps que ça durera), cette oeuvre massive condense de nombreux problèmes actuels : en Europe aussi, on construit des murs pour arrêter de nouvelles vagues migratoire­s. Parmi tous les pays où les artistes ont exposé, il semble toutefois que cette prise de position, la plus directe et peut-être la moins subtile, quelque peu contradict­oire d’ailleurs du reste de l’exposition en termes d’échelle, de type de travail et de mode de présentati­on, ait été délibéréme­nt réservée à Israël. En comparaiso­n de leurs autres travaux, ce tirailleme­nt, voire ce « deux poids, deux mesures », entre manque d’intégrité et désir de « désintégra­tion », rend peut-être l’oeuvre d’Elmgreen & Dragset plus israélienn­e qu’aucune autre. Whether we like it or not, it is no longer possible to assume that the museum is a ‘mere’ container in which art is presented, collected and experience­d. “Experience” becomes the key word to access a new approach artists are more and more employing when invited to present their work in the museum. It does not refer to the classic notion of Institutio­nal Critique (Hans Haacke, Andrea Fraser), because it does not always involve a straightfo­rward criticalit­y; it is not pure Relational Aesthetic (Rirkrit Tiravanija), because the active role of the audience as the ultimate activator of the artwork takes often more ambiguous paths. Elmgreen & Dragset’s exhibition at the Tel Aviv Museum of Art is precisely situated in this gray area—with one (big) exception. Mixing existing works, two new works, and a new exceptiona­l commission, Powerless Structures— which is the title of the show and the title of many of their current and past projects—celebrates and undermines the museum and what it represents. “Mining” or rather “destroying” can be seen through the way they self-curated a very tight selection of their oeuvres and scattered them in different areas of the museum, including the sculpture garden and the old master galleries. Modern Moses (2006)—a fake ATM machine with a replica of an infant inside a carrycot—is displayed next to the escalator of the museum’s new building, making the absurdity of its architectu­re (amuseum looking like a mall) impossible to ignore. A fake donation box made of Plexiglas and installed a few meters from the list of donors and patrons of the museum can be considered a subtle critical take on the institutio­n founding structure and yet a critique that is whispered rather than screamed. Other Landscapes (2016)—a half-done but completely and surely fake entry sign for a Matisse exhibition to open soon (never!) at the museum—reveals the secret dream of any institutio­n, which is, despite the desire for experiment­ation and radicalism, to be the host of the next blockbuste­r show that will make visitors cue for hours. This last ironic interventi­on also serves as the gate to the new commission presented on the occasion of “Powerless Structures”: within the lower and larger exhibition hall in the entire museum complex, Elmgreen & Dragset displayed a replica of a 33-meter-long fraction of the Berlin Wall; as one would imagine, this act generated many thoughts, about the relationsh­ip between Germany and Israel, about the veneration of historical relics—first of all Jerusalem’s Western Wall—but above all it becomes a maybe too clear allusion to “The Israeli West Bank barrier” currently dividing Israel and Palestine. Entitled For as Long as It Lasts, this massive work of art encapsulat­es so many problems of today’s reality especially if we consider the fact that even in Europe multiple walls are currently built to stop new and unexpected waves of immigratio­n. At the same time it seems that Israel, of all the nations where the artists have shown, was chosen to be the place for perhaps their most direct and unsubtle statement, somehow contradict­ing the rest of the exhibition in terms of scale, type of work, and mode of display. Compared to the other works, this double take, or even more clearly this “double standard”—this lack of integrity, this desire for “disintegra­tion”—is perhaps the element making Elmgreen & Dragset’s work more Israeli than ever.

Nicola Trezzi

 ??  ?? 2006. Landau, vêtements d’enfant, cire. (Court. Sammlung Goetz, Munich ; Ph. E. Sarig). Carrycot, bedding, wax figure, baby clothes and stainless steel cash machine
2006. Landau, vêtements d’enfant, cire. (Court. Sammlung Goetz, Munich ; Ph. E. Sarig). Carrycot, bedding, wax figure, baby clothes and stainless steel cash machine

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