Miquel Barceló
BnF site François-Mitterrand / 22 mars - 28 août 2016 Musée national Picasso / 22 mars - 31 juillet 2016 Sgraffier : le mot n’est pas dans le dictionnaire, mais c’est un terme qu’emploie couramment Barceló pour parler de son oeuvre imprimée, objet principal de l’exposition à la BnF. La gravure – entre écriture, griffure, dessin, grattage, incision – tient chez lui de la pulsion, « anale », ajoute-t-il, précision qui vaut aussi pour sa pratique de la peinture, comme en témoigne le grand mur réalisé in situ sur la pellicule de terre, tout au long de l’allée Julien Cain. Espace d’expérimentation essentiel, la gravure condense aux yeux de l’artiste tous les arts. Les sculptures naissent souvent des gravures qui, elles-mêmes, empruntent aux dessins. Ainsi de cette pierre lithographique à l’effigie de Pinocchio mort conservée dans l’atelier de l’artiste et montrée en écho à une petite Tête de Pinocchio en bronze. La tête, d’ailleurs, se révèle l’un des fils rouges des deux expositions, qu’il s’agisse de la magnifique tête de Mère, peinte sur toile, des innombrables autoportraits sculptés, comme le très humoristique Autoretrat 1/2Llull ½ cabrit ou comme l’énigmatique Autoretrat sagell qui associe plusieurs techniques de gravure, qu’il s’agisse encore de la série de gravures sur bois consacrée à des écrivains (dits « Blessés des lettres » en catalan, d’où leur visage, griffé, « blessé ») ou encore des multiples têtes de taureaux, et jusqu’aux crânes de chèvres réels ou figurés dans les tableaux. C’est de surcroît un Grand mur de têtes en céramique que Barceló a construit pour le musée Picasso. Composé d’un assemblage de briques en terre cuite, l’oeuvre supporte différentes formes cubiques perforées de trous pareils à deux yeux. L’autre motif majeur commun aux deux parcours – les scènes de tauromachie – explicite le titre choisi par l’artiste, Soleil et Ombre, qui renvoie au déplacement de la lumière dans l’arène durant la corrida. Comme le taureau lorsqu’il va et vient sur le sable en une chorégraphie laissant place à un vide central, Barceló se meut dans son atelier, autour d’un espace vide, entre le blanc et le noir, la lumière et l’ombre. L’atelier est son arène, de la même manière qu’il est à la fois l’ani- mal et l’homme qui plante les banderilles. Parfois collés l’un à l’autre à l’image d’une figure unique, taureau et torero paraissent emportés dans un puissant tourbillon, métaphore de l’énergie du geste créateur. Bien que Picasso demeure sa référence absolue, Barceló reconnaît l’influence de l’autre Espagnol : Goya. Enfin, un ensemble de gravures inspirées des 120 Journées de Sodome complète la (riche) présentation de la BnF. S’y déploient des créatures réduites à des silhouettes en noir et blanc semblables à des insectes. Dans ces oeuvres aussi, l’animal se mélange à l’humain. Rien de mieux que le texte de Sade pour rappeler la part de bestialité de l’homme – et de la femme ! –, une proposition que Barceló ne manque jamais d’énoncer avec humour. Sgraffier: the word does not appear in the dictionary, but it is used frequently by Miguel Barceló to talk about his printed work, which is the main subject of this show at the BnF. Engraving—a gesture somewhere between writing, scratching, drawing, scraping and incising— is a real compulsion with this artist—an “anal” one, he adds—as indeed is painting, a fact attested by the big wall made on the layer of earth along Allée Julien Cain. An essential space for experiment, he sees engraving as condensing all artistic disciplines. His engravings often give rise to sculptures, while themselves deriving from his drawings. Witness the lithographic stone bearing a likeness of a dead Pinocchio kept in the artist’s studio, shown here in echo to the little Head of Pinocchio in bronze. The head, in fact, proves to be one of the threads connecting the two exhibitions, be it the magnificent painted head of Mother, on canvas, the countless sculpted self-portraits, or the humorous Autoretrat 1/2Llull ½ cabrit, or the enigmatic Autoretrat sagell which combines several engraving techniques, or again the series of woodcuts on the theme of writers (known as “Literary Wounded” in Catalan—hence their clawed, “wounded” faces), or again the multiple bull’s heads, and even the real or painted goat’s skulls. Barceló has also built a wall of ceramic heads for the Musée Picasso. Comprising an assemblage of terracotta bricks, the work supports various cubic forms perforated with eye-like holes. The other motif common to the two sequences, bullfighting, helps us understand the title chosen by the artist, Soleil et Ombre, i.e., sol y sombra, the Spanish term for the play of light during the corrida. Like the bull when it comes out onto the sand in a choreography that gives way to a central void, Barceló in his studio moves around an empty space, between black and white, light and shade. Sometimes stuck together, like a single figure, bull and toreador seem carried away by a powerful vortex, a metaphor for the energy of the creative act. Although Picasso is his absolute master, Barceló does recognize the influence of the “other” Spaniard, Goya. Finally, a set of engravings inspired by the 120 Days of Sodom completes this (rich) presentation at the BnF. It is peopled by insectlike creatures reduced to black-andwhite silhouettes. Here too, the animal mixes with the human. Nothing beats a text by Sade as a reminder of the beast in man—and woman, a point that Barceló never fails to make, but with humor.
Translation, C. Penwarden