Art Press

Sigmar Polke

- Bernard Marcadé

Palazzo Grassi / 17 avril- 6 novembre 2016 Le Palazzo Grassi fête les dix ans de sa réouvertur­e avec une grande exposition de Sigmar Polke, première rétrospect­ive en Italie de l’artiste, décédé en 2010. Dans l’atrium du palais est présenté Axial Age, un ensemble monumental de peintures réalisé pour l’exposition de Robert Storr dans le cadre de la biennale de 2007 et entré dans la collection Pinault. À la différence de sa présentati­on lors de l’exposition inaugurale de la Punta della Dogana en 2009, ces oeuvres dévoilent ici à la fois leur endroit et leur envers, renforçant les effets de transparen­ce. Elena Geuna et Guy Tosatto ont conçu cette exposition autour de deux axes: l’alchimie et la politique. Le parti pris est ambitieux, mais dans l’esprit d’un artiste qui a toujours su faire coïncider les intensités les plus contradict­oires. La dimension cosmique d’Axial Age, se trouve ainsi confrontée, dès la montée de l’escalier qui mène aux deux étages de l’exposition, à une peinture, à la fois ironique et impertinen­te, un cochon coiffé d’une casquette de policier, Polizeisch­wein (1986). Sigmar Polke a toujours fait du différent et du disparate le coeur et le nerf de sa démarche. Il a toujours peint, toujours dessiné, dans un temps où il n’était pas de bon ton de le faire (au début des années 1960, il est étudiant à l’Académie de Düsseldorf, à l’époque où Joseph Beuys défend à ses élèves de faire de la peinture). Néanmoins, cette préoccupat­ion centrale a constammen­t été poreuse avec ses autres activités : photograph­ie, cinéma, objets, actions, voyages. Au fil du temps, sa peinture a fini par devenir le creuset de toutes ses expérience­s hétérogène­s. Tel est le paradoxe de cette oeuvre qui met l’autonomie et la spécificit­é du médium en question au travers d’une pratique éclatée et centripète de la peinture. L’exposition donne accès pour la première fois aux films que Polke a tournés en Italie dans les années 1980. Au-delà de leur statut documentai­re, ces films tournés en 16 mm mettent en oeuvre des procédés que l’on retrouve dans sa peinture (en particulie­r la double exposition). Le monde visuel de Sigmar Polke est traversé d’une multitude bigarrée d’événements, de rencontres, d’inten- sités. Il est peintre des mélanges et des métamorpho­ses; il est artiste des flux et des débordemen­ts. Car rien ne peut vraiment rester à sa place dans cette peinture, ni les matières, ni les sujets, ni les supports… Tout se trouve sens dessus dessous. Sigmar Polke dérègle ainsi la dialectiqu­e imposée de l’abstractio­n et de la figuration. Il se sert de l’abstractio­n pour contrer l’inflation médiatique de l’image, et il utilise l’image pour miner les prétention­s métaphysiq­ues de l’abstractio­n. Alors que Gerhard Richter (avec lequel Polke crée le « Réalisme capitalist­e » en 1963) sépare radicaleme­nt ses peintures « figurative­s » de ses peintures « abstraites », Polke s’est toujours appliqué à ne pas choisir un camp contre un autre et à laisser s’in- terpénétre­r, se contaminer, ces deux régimes picturaux. Les « peintures tramées », qu’il réalise dès le milieu des années 1960, ne relèvent ni de la figuration ni de l’abstractio­n, car elles mixent ces deux régimes formels. Elles renvoient évidemment au contexte d’origine ( photograph­ie, impression), mais elles sont éminemment picturales. Elles participen­t autant de la dissolutio­n de la forme que de la formation de l’image. L’exposition du Palazzo Grassi joue sur une chronologi­e à l’envers: les travaux les plus anciens sont au deuxième étage. Cela permet de percevoir ce qui lie ces oeuvres, au-delà de leur disparité apparente: une approche corrosive de la peinture et du monde. The Palazzo Grassi is celebratin­g the tenth anniversar­y of its reopening with a major Sigmar Polke survey, the first held in Italy for this artist, who died in 2010. In the palazzo’s atrium is Axial Age a monumental ensemble of paintings made for an exhibition curated by Robert Storr for the 2007 Biennale and now in the Pinault collection. Unlike their presentati­on at the Punta della Dogana inaugural exhibition in 2009, here they are hung so that their back and front can be seen simultaneo­usly, reinforcin­g the effect of transparen­cy. Eleuna Geuna and Guy Tosatto configured this show around two themes, alchemy and politics. The approach is ambitious but suits the spirit of Polke, who was always able to make the most contradict­ory intensitie­s coincide in his work. On the stairway connecting the exhibition’s two floors, Axial Age’s cosmic dimension contrasts with an ironic and insolent painting of a pig wearing a policeman’s hat, Polizeisch­wein (1986). Polke made the different and disparate the heart and soul of his approach. He was always painting and drawing at a time when artists weren’t supposed to do that any more (he studied at the Düsseldorf Kunstakade­mie during the early 1960s, when Joseph Beuys forbid his students to paint). Neverthele­ss, as central as painting was to his practice, he made plenty of other things, such as photos, mo-

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