Tate Modern
Inauguration /17 juin 2016 L’inauguration de la nouvelle aile de la Tate Modern a eu lieu ce mois de juin, au même moment que la foire de Bâle qui rassemble chaque année ce que le monde entier compte de collectionneurs et d’amateurs d’art contemporain. Ce curieux choix pourrait être perçu comme une sorte de provocation ou de démonstration de la puissance économique et intellectuelle de l’institution. En 2005, la Tate Modern était inaugurée dans une ancienne usine électrique des docks de Londres réhabilitée par les architectes Herzog & de Meuron, entraînant avec elle le développement de tout un quartier jusque-là délaissé ; Bankside est aujourd’hui devenu un lieu attractif – et Jay Jopling a même installé non loin de là son plus grand espace londonien. L’ouverture de la Switch House, reliée à l’ancienne Boiler House par l’espace monumental des Tanks, ouvre une percée vers le sud de Londres. De l’extérieur, avec son allure de ziggourat en briques brunes, sa façade oblique un peu lourde, le nouveau bâtiment n’est guère séduisant. Mais c’est néanmoins l’image d’un bâtiment ouvert à tous égards que l’on retient de la visite. Du haut du 10e étage, à la même hauteur que le sommet de la cheminée de l’ancien bâtiment, une terrasse qui fait le tour de la Switch House permet d’appréhender d’un regard tous les nouveaux gratte-ciel qui ont radicalement transformé l’est de la ville depuis une dizaine d’années. Et comme le faisait remarquer Sadiq Khan, le maire de Londres, dans son discours inaugural, c’est symboliquement à un étage élevé et lumineux que se trouve Tate Exchange, un espace réservé à des formes renouvelées de médiation. L’intérieur convainc davantage par la simplicité des matériaux, du béton et du bois brut pour l’essentiel, par l’ampleur spectaculaire de certaines salles, mais aussi par la fluidité des circulations horizontales et verticales du bâtiment, irriguées par deux passerelles et par un bel escalier en spirale. Selon Nicholas Serota, directeur de l’institution depuis 28 ans, la volonté qui sous-tend ce projet est moins celle d’une extension que celle d’un changement profond du musée, comme pour suivre les changements qui ont eu lieu depuis quinze ans sur la scène artistique internationale. L’accrochage entièrement repensé des collections témoigne en effet de recherches approfondies et souvent innovantes. En 2000, le premier accrochage des collections semblait révolutionnaire car les salles étaient pour la plupart thématiques, mêlant les époques et les genres. Il fallait voir là une astucieuse manière de pallier le déficit des collections en art moderne. Les acquisitions qui ont été faites depuis sont considérables ; l’approche thématique se prolonge de manière plus systématique encore. Les deux ailes se divisent selon une chronologie relative : 1900 à aujourd’hui pour la Boiler House, et 1960 à aujourd’hui pour la Switch House. Les salles sont réparties en huit ensembles clairs comme, Artist and Society, Media Networks, Between Object and Architecture ou encore Living Cities. La partie intitulée In the Studio est en revanche un peu désordonnée. Quelques principes sont fortement affirmés, au risque d’une certaine bien-pensance : la présence des femmes, du monde extra-occidental et de la performance. Cette volonté de mondialisation se traduit par la présence d’un certain nombre d’artistes aux origines variées et encore relativement peu connus, comme le Philippin David Medalla, la Colombienne Beatriz Gonzalez, ou le Pakistanais Rasheed Araeen. Comme le souligne la directrice des collections Frances Morris, il y a plus de 50 % d’artistes femmes parmi les espaces monographiques, comme la Sud-Africaine Jane Alexander ou la Roumaine Ana Lupas, toutes deux montrées à Londres pour la première fois. Des confrontations surprennent, comme celle entre Richard Deacon et le Ghanéen El Anatsui. L’accrochage prend à contre-pied les sujets habituels de l’histoire de l’art avec par exemple des salles sur des villes comme São Paulo ou Zagreb ; des salles qui contournent les « -ismes » et les classements traditionnels, comme « la Disparition de la figure » ou « Au-delà du pop », où se trouvent notamment entre quelques oeuvres de Warhol, le célèbre tableau d’André Fougeron, la Civilisation atlantique (1953) et les tapisseries de l’Iranien Parviz Tanavoli comme Disciples de Sheik San’an (1975) ; une malicieuse salle sur la peinture en blanc ; une autre encore sur la peinture et les mass media. Tous les médias sont mêlés sans distinctions, que ce soit le film, la photographie ou la performance. Ce qui est désigné plus largement comme live art est largement représenté, non seulement dans les salles des collections, comme par exemple Strangers (2008) d’Amalia Pica, ou This is Propaganda (2002) de Tino Sehgal, mais aussi dans un espace réservé, les Tanks, où avaient lieu pendant les jours d’ou-