Art Press

Justin Delareux

Extrait des nasses Al Dante, 64 p., 10 euros

- Véronique Bergen

Explorant l’écriture, les arts plastiques, la musique, Justin Delareux livre avec Extrait des nasses un texte-intifada vertébré par la faim d’un autre monde. Brûlant d’un feu post-situationn­iste, ce texte-projectile performe ce que son titre annonce: l’extraction hors d’un monde rongé par la domination. Au fil d’une poésie insurgée, ce texte désentrave, déconstrui­t par un langage-acte ce qui nous emprisonne, lâche des flux de vie arrachés au régime de mort programmée. Si la nasse est un piège dont il faut s’extirper, tout est nasse, le système, le texte, le sujet. Si la nasse est un outil d’aliénation, une technique étatico-policière, elle est aussi une « machine de guerre » (Gilles Deleuze) qui se retourne contre ce qui amenuise nos libertés. « Écrivain en état de siège », l’auteur dispose une machine de guerre scriptural­e qui élit la forme du fragment ou, comme l’écrit Jean-Marie Gleize dans sa préface, une « écriture “à fragmentat­ion” ». Dans le maelström du texte, Tarnac se lève. Jouer Tarnac contre le tarmac des existences asphyxiées, c’est faire du texte un projectile. Delareux lance des phrases-rivières, retournées à l’état sauvage, des phrases-harets qui, ouvrant des brèches, activent un chant de vie. Parataxes, morcelleme­nt syntaxique, clins d’oeil à Debord, Extrait des nasses invente un dispositif verbal incendiair­e, un manifeste poético-politique de survie qui bêche les mottes de mots comme on retourne une terre. « La vie qui nous est proposée ne nous va pas ». Se chercher un autre temps libéré, c’est attaquer ce qui déboise les pensées et les corps, faire pousser des ronces sur les déserts de béton. Saluons la puissance d’un texte-sécession qui riposte à la mécanique grippée du temps, au spectacula­ire intégré par un chant intempesti­f.

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