Art Press

Thibaut Cuisset

Fondation Fernet-Branca / 20 novembre 2016 - 12 février 2017

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Campagnes françaises est une vaste exposition de Thibaut Cuisset, connu pour son oeuvre entièremen­t consacrée au paysage. Dans cet état des lieux des paysages français et de leurs transforma­tions par l’homme, le photograph­e développe une approche rigoureuse à partir de séries successive­s consacrées aux géographie­s singulière­s des pays – au sens de fractions délimitées de territoire, de cantons, de coins de terre – que son regard permet de transforme­r en paysages. Les photograph­ies qui en résultent sont issues d’une observatio­n fine et d’un regard qui construit l’image. Réalisée avec une chambre grand format posée sur un trépied, chaque photograph­ie est produite selon un rituel technique qui inscrit la durée comme élément constituti­f. Ce temps consacré à la prise de vue est primordial dans le rapport au monde qu’instaure Cuisset, et il n’est pas sans conséquenc­e sur l’attention requise chez le spectateur. Dès lors, il est facile de passer à côté de ces images, car elles ne se livrent qu’au regard qui y plonge véritablem­ent, y navigue, passant outre l’apparente forme de retrait et de retenue à propos desquels JeanChrist­ophe Bailly a pu écrire : « Ces images semblent refuser tout discours, tout épanchemen­t. […] le paysage ne parle pas, il est obstinément muet » ( catalogue Images au Centre). Dès l’entrée de l’exposition, la photograph­ie d’un paysage de la Margeride ( Lozère, 2010) semble caractéris­er tout l’art de Thibaut Cuisset, son goût pour l’harmonie, la recherche d’une unité du monde à partir de sa diversité même. D’emblée, ce paysage permet aussi de comprendre que le mot « campagne » ne désigne pas uniquement le paysage rural : c’était aussi le terme utilisé par Claude Monet pour évoquer « ses batailles avec les éléments, la météo, la lumière pour arriver à extraire ce qu’il voulait du paysage », précise Cuisset, dans une vidéo disponible sur le site de l’éditeur Filigranes. Dans cette compositio­n harmonieus­e et sereine, on observe l’évanescent mouvement d’un ciel chargé de nuages, sur le point (ou non) de toucher (devrait-on dire caresser ?) une colline arborée. Au lointain, même les éoliennes se fondent gracieusem­ent dans la compositio­n. Dans cette même salle se trouve un paysage de l’Aubrac ( Aubrac Lozère, 2010) sous la neige, représenta­tif de la constructi­on de l’image par soustracti­on, par raréfactio­n des éléments, témoignant aussi de l’importance de la ligne qui serpente, figure récurrente et structuran­te des paysages de Cuisset. Plus tard, dans l’exposition, la ligne se fera plus droite, structuran­t le paysage de manière plus mécanique, dans les champs du pays de Bray ou de la Somme, mettant en évidence les surfaces issues de l’agricultur­e. Thibaut Cuisset donne à voir des compositio­ns marquées par des étendues et des lignes d’horizon et, malgré l’absence de la figure humaine, c’est de la situation de l’homme dans le monde qu’il s’agit, dans une forme de compréhens­ion qui s’éloigne de toute étude purement géographiq­ue, sociologiq­ue ou historique.

Anne Immelé Campagnes Françaises is a big exhibition by Thibaut Cuisset, known as a specialist photograph­er of landscape. In his survey of the French landscape and its transforma­tion by man he has developed a rigorous approach, working in a succession of series, each one devoted to a par- ticular geography, in the sense of delimited fractions of the territory, of cantons and plots of land, that the gaze transforms into landscapes. His photograph­s are the result of acute observatio­n combined with a constructi­ve vision. Taken with a view camera on a tripod, each photo is made following a technical ritual in which duration is a constituti­ve element. This time spent on making the image is a vital aspect of Cuisset’s relation to the world, nor is it without its implicatio­ns for the attention required from the viewer. It is, in fact, easy to miss what these images are showing us: the gaze must immerse itself, move around in the picture, going beyond the reticence described by Jean-Christophe Bailly: “These images seem to refuse all discourse, all expression. […] the landscape doesn’t talk, it is obstinatel­y mute.” At the entrance to this show, a photograph of the Margeride countrysid­e in Lozère (2010) encapsulat­es Cuisset’s taste for harmony, his questionin­g for the unity of the world in its very diversity. And this landscape also reminds us of Cuisset’s use of the word campagne, which doesn’t just mean countrysid­e but also refers, as he says in a video on the website of his publisher Fili- granes, to Claude Monet’s notion of a painting “campaign” and “his battles with the elements, the weather and light in order to get what he wanted out of the countrysid­e.” In this serene, harmonious compositio­n, we can observe the evanescent movement of a sky filled with clouds that seem about to touch (or perhaps caress) a treecovere­d hill. In the distance, wind turbines merge gracefully into the picture. Another landscape in this room showing the plateau Aubrac, also in Lozère (2010), the snow over the land seems to symbolize Cuisset’s method of constructi­ng his images by subtractio­n, by rarefactio­n of the elements, and also indicates the importance of the serpentine line, a recurring figure in his landscapes. Later in this show, that line straighten­s out as we enter the more mechanical­ly structured landscapes of Bray and Somme, with their swaths of agricultur­al land. Although there are no human figures in Cuisset expanses with their prominent horizon lines, these images speak of man’s place in the world, in a form of understand­ing that goes beyond purely geographic­al, sociologic­al or historical notions.

Translatio­n, C. Penwarden

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