Jean Lauxerois
L’Épreuve du temps Le Cercle herméneutique, 280 p., 18,30 euros
Traducteur de l’allemand et du grec ancien, enseignant, Jean Lauxerois a été directeur de programmes au Collège international de philosophie. Il a, par ailleurs, publié l’Utopie Beaubourg, 20 ans après, l’Art à l’oeuvre et, plus récemment, la Beauté des mortels. Le problème du temps, qui le fascine, qui n’est pas une ligne mais un noeud – « le noeud de notre condition », disait Pascal –, est réinterrogé dans ce nouvel ouvrage qui, sous-titré « Fictions, reproductions, imaginations », fourmille d’idées, d’analyses et de portraits. Sans l’épuiser, quelques thèmes ressortent de cet ensemble passionnant. Ainsi l’influence décisive du philosophe Johann Gottfried Herder (1744-1803) sur l’idée de l’identité de la culture, favorisant la création des nations, avec le danger, souligné par Freud, d’un narcissisme national. L’idée d’universalité culturelle – de patrimoine mondial comme l’a nommé l’Unesco en 1972 – permet, dit Lauxerois, d’abolir le temps. La culture va se « déciviliser » et le public, médias aidant, devenir « la masse ». Quel rôle jouent les lieux de mémoire dans ce processus ? La mélancolie y est centrale, notamment dans les jardins et dans la ville de Rome dans sa totalité. L’auteur interroge également le phénomène complexe de la collection, qui empêcherait l’oubli… mais aussi la vie. La photographie, dont parle assez longuement Lauxerois, l’associant d’abord au surréalisme, a bousculé, évidemment, notre perception de la trace, entre la mort et la vie. Une grande figure – Proust – est étudiée avec minutie par Lauxerois qui note à juste titre que, dans la Recherche, « jusqu’à la fin, le commencement se dérobe ». Le temps se dit comme retard, comme écart par rapport à soi. Et « l’âme s’inscrit dans cette différence ».