Amos Gitai (dir.) Amos Gitai
Enrico Navarra/ 75 Faubourg/ Sébastien Moreu, 540 p., 120 euros
En avant-propos de l’ouvrage sobrement intitulé Amos Gitai, le galeriste Enrico Navarra affirme : « Je n’étais certainement pas destiné à éditer des livres et pour tout dire, depuis toujours nous n’avons jamais vraiment eu de projet. » Il est pourtant évident que ce volume constitue un événement éditorial d’une intelligence et d’une beauté rares tant le lien entre image et texte sait se faire organique du début à la fin et selon des modalités structurelles qui savent ne pas verser dans le systématique. D’emblée, le lecteur est accueilli par une silhouette enfantine qui apparaît légèrement en creux, comme une trace en négatif de la photographie, celle d’Amos Gitai à cinq ans, qui se trouve sur la page suivante : traces évocatrices, positif et négatif, variations autour d’un même sujet... autant de schèmes du cinéma de Gitai que l’on trouve mis en oeuvre avant même que ne surgissent les mots. D’autres surprises émaillent cet ouvrage, à commencer par les deux fragiles cahiers sur papier bible donnant à lire les poèmes composés par le cinéaste, l’un consacré à sa mère, l’autre à son père, comme deux principes complémentaires et pas totalement réconciliés. Au gré des sept entretiens qui constituent le corpus textuel de l’ouvrage, le lecteur revisite et complète sa connaissance d’une oeuvre qui navigue avec aisance entre les polarités de la fiction et du documentaire dans des ensembles très pensés, parfois des trilogies. L’ultime partie du volume permet d’effectuer un « voyage iconographique entre les films et les expositions d’Amos Gitai » durant lequel les paysages et les architectures urbaines, comme les corps souffrants ou apaisés, se déploient avec superbe sans nécessiter aucune explication, comme en prise directe avec l’âme d’une oeuvre.