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Éditorial La Maison Rouge fermera en 2018 La Maison Rouge soon to close. Anaël Pigeat

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Une profonde tristesse s’est emparée du Paris de l’art contempora­in à l’annonce, par Antoine de Galbert, de la fermeture à venir de la Maison Rouge. Au cours des dernières années, artpress a collaboré à plusieurs reprises avec la formidable équipe dirigée par Paula Aisemberg, notamment à l’occasion d’un supplément sur l’exposition Tous cannibales (2011) et, plus récemment, d’un autre supplément sur les arts modestes à l’occasion de l’exposition d’Hervé Di Rosa, Plus jamais seul (2016). Nous avons partagé avec la Maison Rouge une idée de l’art qui ne cède pas aux modes du marché mais qui passe par la défense de goûts, de fantasmes et d’obsessions sincèremen­t affirmés. Au fil des années, ce lieu est devenu incontourn­able sur la scène artistique parisienne. Sa programmat­ion a été structurée selon plusieurs axes : des exposition­s de collection­s comme l’Intime, le collection­neur derrière la porte (2004) ou Une vision du monde, la collection de vidéos d’Isabelle et Jean-Conrad Lemaître (2006) ; des monographi­es d’artistes encore peu vus en France comme Guido van der Werve (2009) ou Peter Buggenhout (2010) ; des exposition­s sur des scènes géographiq­ues mal connues comme My Winnipeg (2007) ou My Joburg (2014). La Maison Rouge a aussi joué un rôle déterminan­t dans la défense de l’art brut à Paris dans les années récentes, depuis l’une des premières exposition­s, Arnulf Rainer et sa collection d’art brut (2005), jusqu’à l’une des plus récentes, Eugen Gabrischev­tsky (2016). La collection d’Antoine de Galbert a toujours était distincte de la Maison Rouge. Il l’a montrée une fois, dans la folle exposition le Mur (2014) dont l’accrochage était conçu par un logiciel. Mais cette collection a aussi été une sorte de sous-texte des activités du lieu, comme une série d’indices de l’esprit qui l’a animé pendant quinze ans. Il y a dans le fait de collection­ner quelque chose de tragique, une tentative de combler le manque, de répondre à des interrogat­ions sans fin sur la mort et la disparitio­n, et en même temps, dans le cas d’Antoine de Galbert, une forme d’humour et de légèreté. C’est cet homme-là que l’on retrouve dans ce geste, comme ces collection­neurs qui vendent tout pour se libérer et repartir à zéro. Lorsqu’un individu crée une fondation, il se projette vers l’avenir. Albert C. Barnes, Henry Clay Frick et Peggy Guggenheim ont mis en oeuvre les conditions de préservati­on de leur lieu à leur idée. Certes, à la différence de la Maison Rouge, toutes ces structures comportaie­nt des collection­s. Aucune d’entre elles n’a été épargnée par le temps. La Fondation Barnes a déménagé, la Frick Collection fait aujourd’hui l’objet d’une extension, et les héritiers de Peggy Guggenheim se déchirent régulièrem­ent devant les tribunaux à propos du Palazzo dei Leoni à Venise. C’est aussi cela qu’Antoine de Galbert s’épargne en fermant sa Maison Rouge dans un esprit à la fois désespéran­t et que nous voulons voir plein d’élan.

Anaël Pigeat Antoine de Galbert’s announceme­nt that he will be closing La Maison Rouge was met with deep sadness in the Parisian art world. In recent years artpress has collaborat­ed on several occasions with the tremendous team there led by Paula Aisemberg, notably on Tous cannibales (2011), for which we published a supplement, and on last year’s show by Hervé Di Rosa, Plus jamais seul (2016). We very much share La Maison Rouge’s idea of art, one that does not slavishly follow market fashions but seeks to support sincerely held tastes, fantasies and obsessions. Over the years, La Maison Rouge has become a key player on the Parisian art scene with a multifacet­ed exhibition program mixing private collection­s such as L’Intime, le collection­neur derrière la porte (2004) and Une vision du monde, la collection de vidéo d’Isabelle et Jean-Conrad Lemaître (2006) with monograph shows by artists rarely seen in France, like Guido van der Werve (2009) and Peter Buggenhout (2010), and valuable spotlights revealing local art scenes around the globe, notably My Winnipeg (2007) and My Joburg (2014). La Maison Rouge has also played a key role in supporting outsider art: one of its earliest shows was Arnulf Rainer et sa collection d’art brut (2005), and one of the most recent, Eugen Gabrischev­tsky (2016). Antoine de Galbert is himself a collector, but La Maison Rouge was never just a vehicle for his collection. He has shown it there only once, in fact, in the iconoclast­ic exhibition Le Mur (2014), the hanging of which was conceived using special software. At the same time this collection has always been a kind of subtext to his foundation, a tangible reminder of the spirit that has animated the place over the last fifteen years. There is something almost tragic about collecting, as if it were an attempt to make up for some absence, to soothe those endless anxieties about death and loss. But, with Antoine de Galbert at least, the activity also has its humorous, whimsical side. Those traits seem to have been at work in his recent decision—the way a collector sometimes sells everything in order to be free and make a fresh start. To create a foundation is to plan for the future. Albert C. Barnes, Henry Clay Frick and Peggy Guggenheim worked to ensure that the place they created would be preserved in the spirit in which they created it. But their structures all housed collection­s, and besides, not one has been untouched by time. The Barnes Foundation moved, the Frick Collection is being extended, and Peggy Guggenheim’s heirs regularly trade lawsuits over the future of her Palazzo dei Leoni in Venice. Such are the torments that Antoine de Galbert will be sparing himself. We are saddened by his decision, but we would also like to see it as a dynamic, affirmativ­e act.

Anaël Pigeat Translatio­n, C. Penwarden

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