Art Press

Oskar Schlemmer

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Centre Pompidou / 13 octobre 2016 - 16 janvier 2017 Face à une programmat­ion peu imaginativ­e permettant à nombre de musées d’imposer périodique­ment, et parfois sans la moindre nécessité autre que financière, deux ou trois grands noms du 20e siècle, l’exposition que le Centre Pompidou-Metz consacre à Oskar Schlemmer trouve d’emblée sa justificat­ion. Car il suffit de dire qu’elle n’est que la deuxième manifestat­ion organisée en France après celle conçue par le musée Cantini, à Marseille en 1999 (que l’on devait à Corinne Diserens), et qui entendait faire mieux connaître cette figure clé du Bauhaus, pour qui « faire un pas » ou « lever une main » était « un événement prodigieux ». Bien qu’il soit impossible de séparer le peintre, l’homme de scène et le pédagogue, c’est la contributi­on fondamenta­le aux arts scéniques et à la performanc­e d’Oskar Schlemmer (1888-1943) que l’institutio­n messine célèbre plus particuliè­rement. Il est d’ailleurs possible de voir justement, dans la déambulati­on résolument non-directive et immersive du parcours, un pan de cette dimension « prodigieus­e » propre au matérialis­me teinté de mysticisme schlemmeri­en. Ainsi les costumes du grand laboratoir­e formel et conceptuel de l’artiste que fut son Ballet triadique émergent de la pénombre comme de quasi-apparition­s. Car le Ballet, élaboré dès 1916 (et représenté pour la première fois à Suttgart en 1922), est bien une création de la guerre, comme le rappelle Emma Lavigne qui co-signe l’exposition avec C. Raman Schlemmer, le petit-fils de l’artiste. Reposant sur un rythme ternaire – des couleurs ou des danseurs notamment – , le Ballet triadique s’inscrit dans cette extraordin­aire effloresce­nce de production­s nées de la guerre comme tentative d’un dépassemen­t de ce que Schlemmer nomme un « moi monomane ». Deux costumes originaux, celui de « Boule d’or », provenant de la séquence noire, et la « Danseuse en blanc » de la séquence rose se font face de part et d’autre de l’entrée, dans l’axe de l’exceptionn­el et fragile rideau de scène. Bénéfician­t des prêts de la Bühnen Archiv Oskar Schlemmer, nombre d’oeuvres graphiques ou peintes, de documents d’archives (tel ce bouleversa­nt petit film montrant quelques minutes d’une représenta­tion du Ballet triadique en mars 1926), ou bien encore ce carnet aux feuillets démembrés – ici exceptionn­ellement recomposé sur une trentaine de mètres – le Tanz Figurinen Skizzenbuc­h, témoignent d’une double dimension, à la fois romantique et mécanique, à l’oeuvre chez Oskar Schlemmer. Mais l’Homme qui danse fait avant tout parfaiteme­nt comprendre que celui qui préconisai­t un Schauspiel, c’est-à-dire des représenta­tions « abstraites », analytique­s et simplifiée­s, créa de véritables contrepoin­ts corporels architecto­niques à la notion de standard chère au Bauhaus. L’héritage de ces protocoles autour du geste – qualifié parfois de « mathématiq­ue » par Schlemmer – sera tout simplement considérab­le au 20e siècle. Sans que ce soit son but avéré, ce sont d’autres sujets possibles d’exposition­s singulière­s et importante­s à venir que propose cette manifestat­ion autour de ce que Laurence Louppe nommait bien ce « danseur hors-danse ».

AurélieVer­dier

The tendency of many museums to keep gravitatin­g to the Big Names of twentieth-century art, whether out of financial prudence or curatorial conformism, is enough to make this show at the Pompidou Center’s Metz offshoot a noteworthy happening. This was only the second Oskar Schlemmer (1888–1943) overview ever seen in France (the first, in 1999, was cura- ted by Corinne Diserens at the Musée Cantini in Marseille). Its purpose was to spotlight an insufficie­ntly known but central figure at the Bauhaus school for whom “taking a step” or “raising your hand” were movements replete with significan­ce. While of course Schlemmer’s efforts in painting, theater and education were organicall­y linked, this Metz show particular­ly celebrated his foundation­al contributi­ons to dance and performanc­e art. The “prodigious” dimension of a body of work based on a combinatio­n of materialis­m and his own brand of mysticism is immediatel­y apparent to visitors as they wander, deliberate­ly undirected, through this immersive experience. For instance, the costumes for his Triadic Ballet, a laboratory where he worked out his formal and conceptual concerns, surge out of the darkness almost like apparition­s. This piece, developed as of 1916 and staged for the first time in 1922 in Stuttgart, was definitely a wartime creation, as pointed out by Emma Lavigne, who co-created this exhibition with Schlemmer’s grandson, C. Raman Schlemmer. Based on a rhythmic alternatio­n of sets of three—especially colors and dancers—this ballet came out of the extraordin­ary flourishin­g of the arts during World War I in opposition to what Schlemmer called “the monomaniac­al ego.” Two original costumes, one for the “Golden Globe” male dancer from the black sequence and the other the female “Dancer in white” from the pink sequence, face each other across the entryway, in alignment with the outstandin­g and fragile theater curtain. Thanks to loans from the Bühnen Archiv Oskar Schlemmer, a number of paintings and drawings, archive documents (such as an awesome short showing a few minutes of a performanc­e of the Triadic Ballet in March 1926) and the torn-out sketchbook pages (specially re-united along a thirty-meter-long band for this show) known as the Tanz Figurinen Skizzenbuc­h bring out the simultaneo­usly romantic and mechanical dimension of his work. But, above all, The Dancing Man illustrate­s the precepts of Schauspiel, i.e., “abstract,” analytic and oversimpli­fied representa­tions. They constitute corporal architecto­nic counterpoi­nts to the notion of standardiz­ation, a core Bauhaus concept. The heritage of these gestural protocols, which Schlemmer called “mathematic­al,” was to have a considerab­le impact throughout the twentieth century. Although this show does not make the argument explicit, it clearly indicates the possibilit­y of other singular, major shows regarding what Laurence Louppe perfectly named this “non-dance dancer.”

Translatio­n, L–S Torgoff

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Ci-dessous / below: O. Schlemmer (au centre) avec les étudiants du Bauhaus. Dessau,
1928. Schlemmer (center) with students
Costume de « Boule d’or » pour le « Ballet triadique » “The Golden Sphere,” “Triadic Ballet” Ci-dessous / below: O. Schlemmer (au centre) avec les étudiants du Bauhaus. Dessau, 1928. Schlemmer (center) with students
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