Anne-Marie Filaire
Mucem / 4 mars - 29 mai 2017
Anne-Marie Filaire photographie des paysages politiques. C’est du moins ce qui ressort de ses travaux réalisés depuis 1999 au Moyen-Orient et dans la corne de l’Afrique que réunit l’exposition Zone de sécurité temporaire. Ces paysages portent les indices ténus ou flagrants de violences passées et, sans doute, à venir. Filaire les scrute d’un regard à la fois distancié et sensible qui s’inscrit dans le temps, à la manière des travaux qu’elle a réalisés sur le paysage français. Elle revient sur les lieux pour dresser, sous la forme de grands panoramiques d’images jointives, des « relevés de terrain » qui témoignent de la construction du mur entre Israël et les territoires palestiniens de Cisjordanie. Son travail n’a ainsi rien à voir avec la presse. Il entend même fournir des images que la presse néglige. Mais il ne se réduit pas non plus à une simple photographie de l’après-coup. Deux raisons y concourent. D’une part, les hommes et les femmes qui peuplent ces territoires apparaissent dans ses images et empêchent de se complaire dans une esthétique de la ruine. D’autre part, Anne-Marie Filaire ne recourt que rarement à l’image allégorique. C’est ce qu’aurait pu laisser craindre la scénographie ouverte de l’exposition qui fait en apparence peu de cas de la géographie et de la chronologie et peut rapprocher sur un même mur le Yémen de 2001 et le Liban de 2006. Il n’en est heureusement rien, tant chaque corpus d’images, par exemple celui sur le Sud-Liban ou celui sur le camp de réfugiés d’Azraq, a la singularité et la justesse que seule offre, sans doute, une perséverante pratique de terrain.
Étienne Hatt
Anne-Marie Filaire photographs political landscapes. At least, that’s the impression you get from the work here, made since 1999 in the Middle East and the Horn of Africa, whose title translates as Temporary Security Zone. These landscapes implicitly or explicitly bear the marks of violence, past and surely to come. Filaire scrutinizes them with an eye simultaneously sensitive and distanced, inscribing them in time in the same way as her work on French landscapes. She returns to certain sites to draw up reports in the form of joinedtogether large panoramic shots, showing, for instance, the progress of the construction of the wall between Israel and the Palestinian territories on the West Bank. But her work has nothing to do with what we see in the media. In fact, it’s intended to let us see what the media do not show. At the same time it can’t be reduced to a kind of simple, postevent reportage, for two reasons. First, the men and women who inhabit these places appear in the photos, keeping us from the pleasure of regarding ruins. Second, Filaire rarely resorts to allegorical images. That could be feared with this exhibition’s open design, which (ostensibly) pays little attention to geography, and chronology and sometimes puts Yemen in 2001 and Lebanon in 2006 on the same wall. This appearance, however, is deceptive. Each set of pictures, for example, those of South Lebanon or the Azraq refugee camp, feels unique and true, qualities that could not have been obtained without her perseverance on the ground.
Translation, L-S Torgoff