Oriane Jeancourt Galignani Hadamar Grasset, 288 p., 19 euros
Hadamar, c’est le nom d’une charmante petite ville médiévale allemande de sinistre mémoire. En effet, c’est là qu’une « institution » – comme disaient les habitants de la bourgade d’à-côté –, en vérité un hôpital psychiatrique, est transformée en 1941 en institut d’euthanasie. Là, près de 15000 handicapés mentaux vont périr – certains dans une chambre à gaz installée pour l’occasion, les autres par injection. Hadamar fut désigné comme le lieu d’aboutissement de la politique d’euthanasie nazie : dans toute l’Allemagne furent raflés les malades mentaux, les dépressifs, les psychotiques, les schizophrènes, les sourds, les muets, les autistes… L’hôpital fut l’un des six centres du programme Aktion T4, dont l’objet était l’élimination pure et simple de cette population jugée inutile et financièrement encombrante. C’est à une vingtaine de kilomètres de là, à Lütgendorf, sa ville natale, que Franz, journaliste, revient. Nous sommes en 1945, en été, il sort de Dachau. Il y fut interné pendant cinq ans pour ses articles d’opposition au Troisième Reich. Il recherche, voilà son obsession, son fils Kasper qu’il avait inscrit avant son arrestation, et pour le protéger, aux Jeunesses hitlériennes. Oui, car la question se posait : dans le climat qui régnait, comment mettre à l’abri ses enfants ? À Lütgendorf, on se tait. Personne ne veut rien dire, ne lui indique une piste. Tous sont fuyants. C’est alors qu’un commandant américain, Wilson, va aider Franz. Pourquoi ? Son aide, c’est certain, est intéressée. Oriane Jeancourt Galignani mène son intrigue tambour battant. C’est son talent. Elle enquête et, partant, elle entraîne son lecteur. Quel rapport entre la quête d’un père et la tragédie d’Hadamar ? C’est tout l’enjeu de ce livre grave, profond, documenté et terrible.