AUTRICHE Erwin Wurm et Brigitte Kowanz
Transformé en montagne par Hans Schabus en 2005, en labyrinthe par Markus Schinwald en 2011, savamment « vidé » par Heimo Zobernig en 2015, le pavillon autrichien semble être un adepte de la métamorphose. Cette nouvelle édition de la Biennale de Venise devrait elle aussi apporter son lot de surprises avec Erwin Wurm et Brigitte Kowanz. Né en 1954, Erwin Wurm défie depuis ses débuts les définitions de la sculpture. Armé de vêtements et de poussière, il s’oppose d’emblée aux notions d’immobilité et de pérennité qui sont associées à cette discipline ancestrale. Les vêtements, enveloppes du corps, renferment dans ses oeuvres des morphologies improbables, ou sont portés à l’encontre de leur utilité. Loin d’être conçues pour durer, ses sculptures sont en mouvement. Sa série la plus célèbre, One Minute Sculptures, montrée à partir de 1997, invite ainsi le spectateur à tenir une position – le plus souvent ridicule – et à devenir luimême sculpture éphémère. Poursuivant son travail de modification des masses et des volumes, Erwin Wurm flirte aussi avec l’architecture. En utilisant des meubles, il se place en successeur de Duchamp, des surréalistes ou encore de Brancusi − pour sa transformation du piédestal −, mais la manière dont l’artiste autrichien s’en empare est unique. Si quelques années auparavant il fit grossir son propre corps, il s’amuse depuis le début des années 2000 à faire gonfler ou mincir voitures, bus ou maisons. Chargées d’humour et d’absurde, ses oeuvres invitent à un renouvellement du regard. Une façon pour l’artiste de railler non pas la réalité mais la manière dont nous la voyons, conception qui englobe bien évidemment l’omniprésente société de consommation. Tout semble possible. La Fat Car va-t-elle exploser ? La Narrow House succomber à son anorexie ? Les objets tenus en équilibre dans les One Minutes Sculptures vont-ils tomber ? Dans ses oeuvres, Erwin Wurm laisse toujours en suspens la possibilité d’une catastrophe. Le ridicule et l’échec ne sont jamais très loin, et avec eux les questions qu’ils soulèvent. Si Erwin Wurm a étendu le concept de la sculpture, Brigitte Kowanz travaille depuis le début des années 1980 à étendre celui de l’image. À la fois matériau et sujet de son oeuvre, la lumière fait l’objet d’expérimentations, sous forme d’objets et d’installations lumineuses. Faites de traits colorés, de jeux de perspective mais aussi de mots, ses oeuvres en néon se font les héritières de l’analyse critique du langage engagée par le Cercle de Vienne dans les années 1920, en déconstruisant les mécanismes du discours et la complexité de la communication. Une pratique qui l’a aussi menée à redéfinir des espaces en trois dimensions, comme la façade de l’immeuble du Kommunalkredit ou l’entrée du siège de la VBAG à Vienne. « Kowanz et Wurm travaillent tous deux à l’avant-poste des mouvements d’avantgarde internationaux, explique Christa
Steinle, commissaire de l’exposition, en étendant à la fois le milieu pictural et sculptural vers l’architecture et la participation du public. » L’intervention conjuguée des deux artistes devrait donc une nouvelle fois transformer le pavillon, bouleversant l’espace physique mais aussi mental du visiteur.
Pascaline Vallée
Pascaline Vallée est critique d’art indépendante. Transformed into a mountain by Hans Schabus in 2005, into a labyrinth by Markus Schinwald in 2011, cleverly emptied by Heimo Zobernig in 2015, the Austrian Pavilion seems to have a propensity for metamorphosis. This new edition of the Biennale should also bring its share of surprises, supplied on this occasion by Erwin Wurm and Brigitte Kowanz. Born in 1954, Erwin Wurm has always challenged the definition of sculpture. Armed with clothes and dust, at the start of his career he struck out against the ideas of immobility and longevity associated with that venerable discipline. In his works clothes, those envelopes for the body, enclose unlikely morphologies or are worn in a way that defeats their practical function. Far from being designed to last, his sculptures move. His most famous series, the One Minute Sculptures, which he began showing in 1997, invite the visitor to hold a position— usually a ridiculous one—that will make them ephemeral sculptures. Continuing with his work of changing masses and volumes, Wurm has also flirted with architecture. If his use of furniture places him in a historical lineage that features Duchamp, the Surrealists and even Brancusi (for his transformation of the pedestal), Wurm’s way with it is very much his own. A few years back he got into making his own body bigger. Since the turn of the 2000s he has been having fun inflating or slimming down cars, buses or houses. His absurdly humorous works make us see things differently and, indeed, the target of his mockery is not so much reality as the way we look at it, not least, of course, in our all-pervasive consumer society. Anything, it seems, is possible. Will the Fat Car explode? Will the Narrow House suffer anorexia? Will the objects precariously balanced in the One Minute Sculptures fall? Wurm always leaves the lingering sense of possible catastrophe. Ridicule and failure are never far away, along with the questions they raise. If Wurm has extended the concept of sculpture, then since the early 1980s Brigitte Kowanz has been doing the same thing with that of the image. Both the material and subject of her work, she experiments with light in the form of objects and installations. Made up of colored lines, plays on perspective but also words, her neon works explore the heritage of the critical analysis of language undertaken by the Vienna Circle in the 1920s by deconstructing the mechanisms of discourse and the complexity of communication. This practice has also led her to redefine three-dimensional space, examples being the façade of the Kommunalkredit building and the entrance to the VBAG headquarters in Vienna. “Kowanz and Wurm are both working at the forefront of the international avant-garde,” explains Christa Steinle, curator of the Austrian Pavilion show, “by extending both painting and sculpture towards participation.” The intervention by these two artists should once again transform the pavilion and, with it, the visitor’s physical but also mental space.
Translation, C. Penwarden