Art Press

GRANDE-BRETAGNE Phyllida Barlow

- Gary Carrion-Murayari

Phyllida Barlow est un choix assez radical pour représente­r la Grande-Bretagne à la Biennale de Venise. En dépit d’une longue carrière, distinguée par de nombreuses récompense­s, sa présence n’a rien d’une tournée d’adieux. Elle signifie au contraire la reconnaiss­ance très tardive d’une approche ayant exercé une influence vitale et croissante dans la sculpture. La sculpture possède une longue histoire au pavillon britanniqu­e, remontant aux exposition­s d’Anthony Caro, Richard Long et Barry Flanagan dans les années 1960 et 1970, jusqu’aux contributi­ons plus récentes de Rachel Whiteread et Sarah Lucas. La contributi­on de Barlow pourrait toutefois avoir plus de points communs avec celle du réalisateu­r Steve McQueen en 2009, dont l’oeuvre transforma l’expérience psychologi­que de l’imposante structure néo-classique du pavillon. L’oeuvre de Barlow est profondéme­nt imprégnée de l’énergie et de l’instabilit­é de l’environnem­ent bâti, et le langage sculptural qu’elle a développé au cours des quarante dernières années correspond parfaiteme­nt aux enjeux d’une époque tumultueus­e et incertaine. Barlow a d’abord rejeté le formalisme rigide qui caractéris­ait la sculpture britanniqu­e dans les années 1970, au profit d’une approche expériment­ale des matériaux et d’une relation théâtrale avec l’espace architectu­ral, plus proche des sculpteurs américains de l’époque. Son oeuvre, de nature nécessaire­ment éphémère, est alors composée de matériaux humbles. Dans les dernières années, tout en maintenant une relation dynamique avec leur environnem­ent, ses oeuvres sont devenues plus permanente­s. Comme dans son oeuvre passée, la contributi­on de Barlow à la Biennale sera spécifique au site et improvisée, modifiant l’expérience du visiteur à travers une série de nouvelles constructi­ons assemblées juste avant l’exposition. Le projet consiste pour le visiteur en une expérience chorégraph­ique appelée à se déplier à travers les galeries et à se répandre à l’extérieur du pavillon. Barlow décrit son projet comme un processus continu « de blocage et de révélation », réarrangea­nt la syntaxe et la narration de l’espace par ses interventi­ons sculptural­es. Réfléchiss­ant à sa démarche pour la Biennale, Barlow évoque également la notion de « membre fantôme » afin de décrire la relation existant entre ses objets sculpturau­x et leurs référents dans la réalité. Face à un événement artistique d’une telle ampleur, son évocation de ruines, d’architectu­res temporaire­s et d’espaces urbains à demi oubliés suscitera à n’en pas douter une expérience désarçon-

nante, appropriée à une époque où les identités se sont largement désarrimée­s des lieux. L’oeuvre de Barlow s’impose comme un puissant témoignage de son époque, empreinte d’un profond sentiment de perte, mais aussi porteuse de nouvelles armes pour reconstrui­re et réimaginer le monde.

Gary Carrion-Murayari Traduit par Laurent Perez Phyllida Barlow is a quietly radical choice to represent Britain in the Venice Biennale. In spite of a long and distinguis­hed career, her selection is hardly a valedictor­y one. Instead, it provides long overdue recognitio­n of a vital and increasing­ly influentia­l approach to sculpture. There is a long history of the medium at the British Pavilion reaching from presentati­ons by Anthony Caro, Richard Long and Barry Flanagan in the 1960s and 70s to more recent contributi­ons by Rachel Whiteread and Sarah Lucas. Barlow’s contributi­on, however, is likely to have more in common with that of filmmaker Steve McQueen, whose 2009 work for the pavilion subtly transforme­d the psychologi­cal experience of the imposing neoclassic­al structure. Barlow’s work draws heavily from the energy and instabilit­y of the built environmen­t and the sculptural language she developed over the past forty years is perfectly suited to a tumultuous and uncertain time. Early in her career, Barlow rejected the rigid formalism that characteri­zed British sculpture in the 1970s, in favor of an experiment­al approach to materials and a theatrical relationsh­ip to architectu­ral space more in common with American sculptors of the time. Her work was comprised of humble materials and was necessaril­y ephemeral in nature. In recent years, her works have become more permanent while still maintainin­g a dynamic relationsh­ip with their surroundin­gs. As in past work, Barlow’s contributi­on to this year’s Biennale will be site-specific and improvisat­ional, transformi­ng the viewer’s experience of the pavilion through a series of new constructi­ons assembled just before the show. She has planned a choreograp­hed experience for the viewer unfolding across the galleries and spilling out into the space outside of the pavilion. Barlow described her plan for the pavilion as a continuous process of “blocking and revealing,” rearrangin­g the syntax and narrative of the space through her sculptural interventi­ons. In discussing her thinking leading up to the Biennale, Barlow also invoked the notion of the “phantom limb” to describe the relationsh­ip between her sculptural objects and their referents in reality. In grappling with such an authoritat­ive venue, her invocation of ruins, temporary architectu­res, and half-remembered urban spaces is sure to provide an uncanny experience appropriat­e for a time in which the relationsh­ip between identity and place has become unmoored. Barlow’s work promises to a powerful marker of its time, imbued with a sense of loss, yet providing a charge to rebuild and reimagine the world.

 ??  ?? « Untitled: 100 banners 2015 ». 2015. Vue d’installati­on de l’exposition « Tryst », Nasher Sculpture Center, Dallas TX, 2015 (© Phyllida Barlow Court. l’artiste et Hauser & Wirth). View of installati­on in “Tryst,” Dallas
« Untitled: 100 banners 2015 ». 2015. Vue d’installati­on de l’exposition « Tryst », Nasher Sculpture Center, Dallas TX, 2015 (© Phyllida Barlow Court. l’artiste et Hauser & Wirth). View of installati­on in “Tryst,” Dallas
 ??  ?? Gary Carrion-Murayari est commissair­e d’exposition de la Kraus Family au New Museum à New York. Co-commissair­e de la Biennale de Whitney en 2010, il organise actuelleme­nt la prochaine Triennial New Museum (2018).
Gary Carrion-Murayari est commissair­e d’exposition de la Kraus Family au New Museum à New York. Co-commissair­e de la Biennale de Whitney en 2010, il organise actuelleme­nt la prochaine Triennial New Museum (2018).

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