HONG KONG Samson Young
Le travail de Samson Young s’articule autour du concept de frontière et des territoires sociaux, politiques ou imaginaires qu’il définit. Dans son oeuvre polymorphe, essentiellement sonore et performative, l’artiste compositeur, né à Hong Kong en 1979, utilise la dimension symbolique du son pour incarner, questionner et dépasser la notion de conflit, inhérente à celle de territoire. L’obsession de Samson Young pour un art libre et multidisciplinaire vient en partie de sa formation classique de compositeur, suivie à l’université de Princeton aux ÉtatsUnis. Cette formation a amené l’artiste à rejeter totalement les codes et rituels en vigueur au sein du monde académique classique dans lequel, selon lui, les musiciens se transforment en athlètes, voire en machines. L’improvisation, la participation du public et l’utilisation d'ordinateurs portables ou de smartphones dans ses premières compositions et performances lui permettent de rompre avec les institutions et de proposer une oeuvre sinon plus démocratique, du moins plus ouverte. Cette inversion des valeurs et cet impératif de liberté s’incarnent à partir de 2012 dans le large concept de frontière qu’il s’agit d’abord d’ausculter, puis de traverser, en tout cas d’interroger. Liquid Borders (20122014) est un travail élaboré au sud de la Chine, à la frontière de Hong Kong. Pendant deux ans, l’artiste a enregistré les vibra-
tions des clôtures frontalières à l’aide de microphones. L’oeuvre est un ensemble de cartes, de notations musicales et de compositions sonores. Elle offre une vision alternative de cette frontière controversée qui a longtemps incarné la liberté pour les Chinois, et qui cristallise aujourd’hui les angoisses des Hongkongais face à la Chine. On retrouve les mêmes problématiques dans son projet Pastoral Music, débuté en 2014. Cette fois, Samson Young s’enregistre, chantant des comptines cantonaises, dans une tranchée construite en 1941 par les Anglais, censée défendre Hong Kong de l’invasion japonaise. Dans la performance Canon (2016), l’artiste se sert d’un canon sonore, généralement utilisé par la police et l’armée contre les manifestants, pour diffuser des chants d’oiseaux en détresse vers une pièce clôturée : une migration immatérielle qui envahit l’espace de façon anarchique. Si le son, bien évidemment, traverse les barbelés et fait fi des frontières, il n’en délimite pas moins des territoires. Élargissant son cadre de recherche, Samson Young est récemment parti enregistrer et retranscrire les sons des plus grosses cloches de la planète, généralement au coeur de conflits idéologiques, culturels ou territoriaux. À Venise, Samson Young s’interroge sur la puissance symbolique des chansons caritatives, notamment des tubes iconiques des années 1980, tels que We Are The World, qui incarnent la polarisation des mondes de l’époque. Inspiré par une fake news – une réponse à la chanson Do They Know It's Christmas ?, qui aurait été composée par des musiciens de Cap Town et ayant pour titre Yes We Do – Young présente une installation sonore et vidéo, intitulée Songs For Disaster Relief, en hommage à ces musiciens fictifs, ensemble de remakes et de clips.
Caroline Ha Thuc
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Samson Young’s work is about the concept of borders and the social, political and imaginary territories they define. This composer and sound artist was born in Hong Kong in 1979. His polymorphous work uses sound’s symbolic dimension to represent, interrogate and surpass the concept of conflict inherent in that of territory. Young’s obsession with this free and multidisciplinary art comes in part from his training in classical composition at Princeton University in the U.S. There he developed a total rejection of the codes and rituals reigning in the academic classical music world, where, he believes, musicians are turned into athletes or even machines. Through improvisation, pubic participation and the use of laptops he began to produce a body of work that is, if not more democratic, at least more open. Starting in 2012 this reversal of values and pursuit of the imperative of freedom led him to take up the concept of borders, first examining them, then crossing them, and in any case, questioning them. His Liquid Borders (2012-14) was made in southern China, on the Hong Kong border. For two years he used contact microphones to record the sounds made by wire fences as they vibrate. The piece comprises graphics, musical notions and sound compositions. The result is a totally different take on this controversial frontier that for a long time symbolized freedom for the Chinese, and which today crystallizes Hong Kong people’s misgivings about China. The question of lines also appears in the Pastoral Music project, launched in 2014. In a tunnel system built by the British in 1941 to defend their colony against a Japanese invasion, Young recorded himself singing Cantonese nursery rhymes. In his performance Canon (2016), he used a long-range sound cannon of the kind employed by the police to disperse demonstrations to beam the songs of birds in distress into a fence-enclosed area. The immaterial migration chaotically fills the target location. While sound passes through barbed wire and imperiously ignores borders, nevertheless it demarcates territories. Broadening the scope of his research, Young recently traveled to record and transcribe the sounds of the world’s biggest bells, often located at the heart of ideological, cultural or territorial conflicts. Young’s piece for Venice interrogates the symbolic power of charity songs, notably iconic 1980s hits like We Are the World embodying the global polarization of that time. A “fake news” response to the song Do They Know It's Christmas? titled Yes We Do, supposedly written by musicians in Cape Town, South Africa, Young’s sound and video installation, an ensemble of remakes and clips, is a tribute to those fictive musicians.
Translation, L-S Torgoff