Art Press

Promenade à Downtown, Los Angeles

Divers lieux / Hiver 2017

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Trois oranges, coincées entre les deux blocs de granit. C’est ce que l’on découvre, quand on regarde de plus près la pièce de la jeune Californie­nne Kathleen Ryan, dans l’excellente exposition personnell­e que propose la Ghebaly Gallery. Les oeuvres épousent l’espace d’une façon organique, sensuelle. Chaque pièce semble avoir été conçue dans un jeu de cache-cache avec ces murs blancs et hauts, ces structures de bois au plafond, ces briques rouges apparentes ici et là. Echouée au sol, la palme d’un palmier, l’arbre emblématiq­ue de Los Angeles. Plus loin, des boules de bowling rouges attachées les unes aux autres, tel un collier de perles jeté par-dessus bord, apparaît de part et d’autre d’un mur, en écho aux trois oranges de la première pièce. Perchés sur une branche, des perroquets de porcelaine ont trouvé refuge dans ce petit coin de paradis. « Ce sont des reliques de l’american dream », écrit le critique Andrew Berardini. Un hommage à l’âge d’or de Los Angeles, aux champs de citrons et d’oranges, première industrie locale avant l’apparition de celle du divertisse­ment. Si le galeriste français François Ghebaly montre une plasticien­ne de Los Angeles, les Californie­nnes d’en face, Davida Nemeroff et Mieke Marple, exposent à la Night Gallery la Française Claire Tabouret. On retrouve ici la marque de la jeune peintre, ses thèmes récurrents, dont l’écrivaine Isabelle Eberhardt. Ce sont des portraits d’une maturité étonnante. Ils séduisent par le choix assumé d’une ou deux couleurs spécifique­s, les nuances d’ombre et de clair-obscur, la compositio­n. Cette promenade dans Downtown permet de réaliser une chose : l’histoire d’amour entre Los Angeles et les artistes français, entamée il y a quelques années par l’exposition LOST (in LA) de la fondation FLAX, alors que la saison Ceci n’est pas de l’Institut français est toujours au beau fixe. Trois autres exposition­s proposent, dans le même quartier, des plasticien­s français et francophon­es. MAMA Gallery expose des dessins de la Française Myriam Mechita, installée à Berlin ; le galeriste Christian Baert ouvre sa troisième exposition avec des oeuvres de Benjamin Renoux ; enfin, à l’espace Please do not enter des collection­neurs Nicolas Libert et Emmanuel Renoird, les gigantesqu­es humanoïdes décharnés de Lionel Sabatté, sculptures de plus de deux mètres de haut, dansent une parade aussi fascinante que monstrueus­e, comme dans un film futuriste de Ridley Scott. Si l’Art District de Downtown s’est imposé, ces deux dernières années, comme le nouvel épicentre de la scène artistique locale, c’est aussi dû à l’installati­on de Hauser Wirth & Schimmel l’année dernière (du nom de l’ancien curateur en chef du MOCA, Paul Schimmel) et du Broad Museum d’Eli Broad, en face du MOCA Grand Avenue en 2015. Malgré la collection ennuyeuse car convenue du collection­neur-magnat de l’immobilier (des blockbuste­rs du marché type Jeff Koons), la qualité des exposition­s et la splendeur du bâtiment signé Diller Scofidio + Renfro méritent le détour. Le MOCA a, pour sa part, surmonté sa crise pour se retrouver entre de bonnes mains avec son nouveau directeur Philippe Vergne. Doug Aitken y montre Electric Earth, rétrospect­ive de ses oeuvres vidéo très pop et forcément populaires dans la capitale mondiale de l’image en mouvement. Il y a aussi de nouveaux lieux non commerciau­x, notamment l’excellente Mistake Room de César García, qui expose la nouvelle génération d’artistes d’Amérique du sud, ou encore l’Institute of Contempora­ry Art Los Angeles, soit l’ancien Santa Monica Museum of Art, qui ouvrira ses portes cet automne. Ancien squat où l’on venait voir et écouter des performanc­es et de la poésie tard dans la nuit, SADE Gallery expose désormais la nouvelle génération des plasticien­s de Los Angeles. Enfin, même Hollywood se met à l’art contempora­in, l’agence UTA (United Talent Artists) proposant dans son espace « qui ne fonctionne pas comme une galerie », précisent-ils, des exposition­s d’artistes ayant l’ambition de développer des projets de cinéma, de télévision ou d’entertainm­ent, comme les peintures et dessins de Jake & Dinos Chapman, exposés en ce moment. Pour finir, signalons l’effervesce­nce du quartier en termes de restaurant­s et de salles de concert ; Broadway, l’avenue historique et ses immeubles art déco splendides, rénovés par la ville. « Je suis ravi d’être ici, à Downtown, résume Mihai Nicodim, je paie le même loyer qu’avant pour un espace trois fois plus grand, et j’ai deux fois plus de visiteurs. » Le galeriste a, comme tant d’autres, déménagé au cours de ces dix dernières années de Chinatown à Culver City pour se retrouver ici. Ainsi va Los Angeles : un nouveau quartier se développe tous les cinq ans, puis laisse la place à un autre. Autre témoignage de la vitalité de la capitale de la Californie du sud, plusieurs galeries londonienn­e, new yorkaise ou parisienne (Praz-Delavallad­e) qui exposaient à la foire ALAC (Art Los Angeles Contempora­ry) ouvrent désormais des espaces un peu partout dans la ville. Yann Perreau

Three oranges between blocks of granite. That is what you see on looking more closely at the piece by the young California­n artist Kathleen Ryan in her excellent solo show at the Ghebaly Gallery. The works fit organicall­y, sensuously into the space, each one seeming to play a game of hide and seek with these high white walls, wooden ceilings and occasional bare red bricks. Left on the floor, a frond from L.A.’s emblematic palm tree. Further in, red bowling balls atta-

ched together like a necklace of beads thrown overboard, appear on either side of a wall, echoing the three oranges in the first room. Perched on a branch, porcelain parrots have taken refuge in this little corner of paradise. “They are relics of the American dream,” writes critic Andrew Berardini. A homage to the golden age of Los Angeles, to the fields of lemons and oranges that were the first local product before entertainm­ent. Chebaly, a French gallerist, is exhibiting an Angelena: opposite, the California­ns Davida Nemeroff and Mieke Marple are exhibiting France’s Claire Tabouret at their Night Gallery. Here we find this young painter’s recurring themes, including her interest in the writer Isabelle Eberhardt, in portraits that are astonishin­gly mature, impressive in their bold, limited use of one or two colors, the subtlety of their shadows and chiaroscur­o. This stroll Downtown reveals that the love between Los Angeles and French artists has continued well beyond the LOST (in LA) event ini- tiated a few years ago by the FLAX foundation. Three other shows in the same neighborho­od feature French and French-speaking artists. MAMA Gallery is exhibiting drawings by Myriam Mechita, now based in Berlin, while Christian Baert’s third exhibition features the work of Benjamin Renoux and, finally, the Please do not enter space run by collectors Nicolas Libert and Emmanuel Renoird has gigantic (two-meter tall), emaciated humanoid figures sculpted by Lionel Sabatté in a kind of danced parade, as fascinatin­g as it is monstrous, like in some futuristic film by Ridley Scott. One reason why Downtown’s Art District has establishe­d itself as the new hub of the local scene is the arrival here of Hauser Wirth & Schimmel last year (the second name is familiar: it is that of former MOCA head Paul Schimmel) and the creation of the Broad Museum (Eli Broad), opposite MOCA Grand Avenue, in 2015. Although the real estate magnate’s collection is tediously convention­al (Jeff Koons and other market blockbus- ters), the quality of the exhibition­s here and the splendor of the building by Diller Scofidio + Renfro make the place worth a visit. As for the MOCA, it has weathered the crisis of Schimmel’s departure and is now in the capable hands of Philippe Vergne. At the time of writing, Doug Aitken is showing Electric Earth, a retrospect­ive of his very Pop video works, which are of course a big hit in this capital of moving images. A number of non-commercial spaces are also sprouting up, not least César Garcia’s excellent Mistake Room, which is exhibiting the new generation of South American artists, and the Institute of Contempora­ry Art Los Angeles, formerly the Santa Monica Museum of Art, due to open this fall. An old squat where you could hear poetry performanc­es late into the night, SADE Gallery now shows the coming generation of Angeleno artists. And finally, even Hollywood is starting to get in on the act: United Talent Artists (UTA) has opened a space which, they point out, “does not work like a gallery” but shows artists who want to pursue movie, TV or entertainm­ent projects. They currently have paintings and drawings by Jake & Dinos Chapman. Finally, note the liveliness of the area in terms of restaurant­s and concert rooms and the renovation of Broadway, the historical avenue with its splendid Art Deco buildings. “I am delighted to be here, Downtown,” says Mihai Nicodim. “I pay the same rent as before for a space that's three times as big, and I get twice as many visitors” Over the last ten years the gallerist has, like so many others, made the move from Chinatown to Culver City and then come here. Such is life in Los Angeles: a new quarter develops every five years, then gives way to another. Another sign of the city’s vitality is the galleries from London, New York and Paris (Praz-Delavallad­e) who exhibit at the ALAC (Art Los Angeles Contempora­ry) and are now opening up permanent spaces around the capital of Southern California.

Translatio­n, C. Penwarden

 ??  ?? Ci-dessus et page de droite / above and page right: Kathleen Ryan. « Weightless Again ». Vue de l’installati­on à la / installati­on view at Ghebaly Gallery, 2017
Ci-dessus et page de droite / above and page right: Kathleen Ryan. « Weightless Again ». Vue de l’installati­on à la / installati­on view at Ghebaly Gallery, 2017
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