Biennale du Québec - 8e Manif d’art
Musée national des beaux-arts et autres lieux / 18 février - 14 mai 2017
Le Musée national des beaux-arts du Québec s’est doté l’été dernier d’une nouvelle aile, le pavillon Pierre Lassonde. C’est ce vaste espace d’exposition qui accueille la Biennale de Québec, rejointe par la 8e Manif d’art répartie entre plusieurs lieux, Materia, les bibliothèques de la cité et maintes boutiques de la vieille ville, outre un programme de rue. Grosse opération que celle-ci, donc, mobilisant une cinquantaine d’artistes pour un tiers d’origine internationale. Le thème fédérateur de cet événement, « L’art de la joie », a été donné par Alexia Fabre, commissaire invitée, qui préside aux destinées du MAC/ VAL, en région parisienne. Elle s’est inspirée du roman posthume éponyme de l’Italienne Goliarda Sapienza, publié en 1998. Il s’agit de l’histoire de Modesta, une Sicilienne dont le destin croise celui de l’Italie du 20e siècle, et qui est prête à tout pour évoluer vers la liberté. Autant dire que la joie n’est pas toujours au rendezvous, la force de cette dernière résidant plutôt dans l’objectif qu’elle concrétise. Le choix des artistes et des oeuvres de la Manif d’art et de la biennale se montre en accord avec cette option utilitariste. On y cherchera en vain joyeusetés, éclats de rire et atmosphère de franche décontraction. Rien de surprenant à cela, comme vient le rappeler le catalogue de cette manifestation, riche de réflexions solides. La joie et l’art n’ont jamais fait bon ménage. L’artiste, qu’il s’agisse des temps les plus archaïques, de la modernité ou d’aujourd’hui, cultive surtout le style sévère, soit pour ne pas énerver les dieux, soit pour rendre compte d’une vie difficile dans un monde qui ne l’est pas moins à fréquenter au quotidien. Dada, Fluxus, la culture psychédélique, ces sommets de joie libératrice ? Les exceptions qui viennent confirmer la règle. Versant joie réelle, il est en conséquence, sans surprise, peu d’oeuvres à mentionner. La plus extraordinaire d’entre elles est l’installation monumentale de Joël Hubaut au Lieu, dans la ville basse, HUB / HUB 2017, un dispositif de cuisson de type atelier de Vulcain et foire-àtout permettant de faire de la peinture à partir de la substance de légumes et, tout autour, des murs ornés de figures noir et blanc à colorier in situ. Gros succès public, dans la bonne humeur. Citons aussi la vidéo Calendar Girls de Lisa Birke : on y voit cette artiste allemande dansant de manière effrénée et humoristique dans la nature. Ou encore les montages photographiques de Patrick Dionne et Miki Gingras, Ravissement, réalisés avec la population locale à qui il a proposé d’exprimer « un état de joie et de ravissement ». La masse des autres oeuvres présentées à Québec, en revanche, préfère à l’évidence approcher la joie avec circonspection : joie que procure le fait de caresser un animal (Sarah Maloney), de retrouver et de reproduire la position des étoiles le jour de sa naissance (Christian Bolstanki), de vibrer au rythme du mouvement des vagues (Ange Leccia), de surprendre en pleine rue, dissimulée dans un sarcophage aux parois transparentes dépolies, une licorne (Mathieu Valade)... L’effet du froid canadien, peut-être, prompt à modérer les ardeurs et à geler l’exaltation.
Paul Ardenne
The Musée National des Beauxarts du Québec acquired a new wing last summer, the Pierre Lassonde pavilion. This vast exhibition space is the venue for the Quebec City Biennale, augmented, for this eighth iteration, by local art at diverse places around town, including Materia, the municipal libraries, many old city shops and the streets. This major endeavor involves some fifty artists, about a third of them non-Canadian. This year’s overarching theme, “The art of joy,” was formulated by guest curator Alexia Fabre, whose regular gig is piloting the MAC/VAL near Paris. She drew her inspiration from the eponymous novel by the Italian Golarda Sapienza, published in 1998 after her death, about a Sicilian woman named Modesta, always ready for anything in her quest for freedom, whose destiny is intertwined with that of twentieth-century Italy. While her life is not always filled with joy, her strength resides in the objective she embodies. This biennial’s selection of artists and works corresponds to this utilitarian option. Don’t go looking for big fun, loud guffaws and a relaxed atmosphere. That’s not what you should expect, the thoughtful catalogue texts warn us. Joy and art have seldom walked hand in hand. From the dawn of history to modern times, many artists have cultivated a severe style, whether to avoid pissing off the gods or reflect the difficulties of daily life in this world. Dada, Fluxus and the rapture of psychedelic art were exceptions that prove the rule. In short, few of the works on view here are testament to all-out joy. Most notable among those that are, however, is Joël Hubaut’s monumental installation HUB / HUB 2017 at the downtown Lieu. This cooking apparatus straight out of Vulcan’s workshop or some strange yard sale, able to make paint from vegetables, is surrounded by walls decorated with black and white figures ready to be colored in by visitors. Needless to say, this good-humored piece is a big hit with the public. Also worthy of mention is the video Calendar Girls by Lisa Birke, where we see this young German artist dancing madly amid natural settings, and Ravissement, photomontages by Patrick Dionne and Miki Gingras, who asked local people to express “a state of joy and ecstasy.” Most of the other work in Quebec seems to be more wary in its approach to joy: the joy of petting an animal (Sarah Maloney), finding and reproducing the position of the stars on your date of birth (Christian Boltanski), vibrating to the rhythm of the movement of the waves (Ange Leccia) and finding, in the middle of the street, hidden in a sarcophagus with frosted glass walls, a unicorn (Mathieu Valade)... Maybe it’s the chilly Canadian climate that turns down the temperature when it comes to ardor and exaltation.
Translation, L-S Torgoff