Thomas Huber
Centre culturel suisse / 21 janvier - 2 avril 2017 HAB Galerie / 11 février - 23 avril 2017 Musée des beaux-arts / 4 février - 14 mai 2017
C’est d’une triple actualité dont bénéficie l’artiste suisse en ce début d’année, puisqu’on peut revoir ou découvrir différents aspects de son oeuvre simultanément à Paris, Rennes et Nantes. Il s’agit d’expositions autonomes mais complémentaires, toutes traitant du rapport entre ses peintures et de la façon dont il les scénographie dans les lieux qui les accueillent. Il s’agit donc à la fois d’expositions de tableaux ou d’oeuvres sur papier au sens classique, mais aussi de véritables installations picturales, dont le maître mot est la mise en abîme des lieux dans le tableau et un perpétuel questionnement sur l’image et sa représentation. À cet égard, l’exposition de Rennes est la plus ambitieuse, celle de Paris la plus radicale, alors qu’à Nantes c’est tout un environnement qui se déploie dans le vaste espace du Hangar à bananes. Huber y réactualise son ensemble monumental Sonnez les mâtines, composé de 13 maquettes et 140 figurines en céramique constituant Huberville, la ville idéale. Avec pas moins d’une centaine de pièces présentes, l’exposition présentée à Rennes constitue un réel événement, d’autant que l’artiste a réellement investi l’espace du musée. Il s’agit d’un véritable parcours scénique réparti sur les neuf salles du rez-de-chaussée. Dans la première, qui donne son titre à l’exposition À l’horizon, des tableaux de divers formats et factures sont accrochés de façon à ce que leurs horizons respectifs se trouvent à la même hauteur, l’ensemble déterminant un horizon global, sorte de fil rouge de l’exposition que l’on va retrouver par la suite. Au centre de la salle, des socles placés dans une disposition géométrique supportent des maquettes uniformément blanches représentant des constructions ar- chitecturales temporaires, comme des stands ou des containers. Nous sommes face à une urbanité déshumanisée, où le bidimensionnel et le tridimensionnel se font face. Le spectateur est amené à s’y déplacer comme s’il faisait partie du jeu, sentiment renforcé lorsqu’il pénètre dans les deux salles latérales, celles de la Frise rouge. Celle-ci court tout le long des murs, sur lesquels sont accrochés de petits tableaux figurant la situation dans laquelle ils sont représentés. On peut aussi les considérer comme une encyclopédie partielle de l’univers iconographique de Huber. La mise en abîme s’opère donc ici et prend toute son ampleur dans la grande salle des Espaces picturaux, littéralement tapissés de tableaux de grand format, véritable synthèse visuelle de l’exposition. Tous les motifs sont déclinés dans la suite du parcours, manifestement trop réduit pour offrir aux dernières oeuvres toute l’ampleur et le recul qu’elles nécessitent. Ce sera le seul bémol de ce parcours immersif dans une oeuvre foisonnante, dont la déclinaison parisienne est plus sobre, mais non moins captivante. Là c’est toute la salle qui est mise en abîme par l’intermédiaire de compostions à même le mur. Celles-ci jouent des rapports d’échelles et de perspectives, en brouillant les codes et les points de vue, comme pour mieux engager le visiteur à reconstruire mentalement ses repères.
Bernard Marcelis
This Swiss artist has had three shows this year, with different aspects of his work on display simultaneously in Paris, Rennes and Nantes. The exhibitions are autonomous but complementary, all of them about the relation between his paintings and the way he presents them in the host venue. They are thus both traditional exhibitions of paintings and works on paper and genuine pictorial installations, notable for the reflective relation between place and painting and a constant questioning of the image and its representation. The Rennes show is the most ambitious in this respect, the Paris one the most radical, while in Nantes the artist has deployed a whole environment in the spacious Hangar à Bananes. There Huber updates his monumental ensemble Sonnez les mâtines, comprising thirteen models and 140 figurines in ceramic. They constitute Huberville, the ideal city imagined by the artist. With no less than a hundred pieces, the exhibition in Rennes is quite an event, especially as the artist has taken over the museum space. This is a real scenic sequence spread over the nine first-floor rooms. In the first, which gives the exhibition its title, À l’horizon, paintings of various sizes and styles are hung in such a way that their respective horizons are all at the same height, forming a global horizon that is a kind of guiding thread through the exhibition, one that we come upon again later on. In the center of the room, the geometrically arranged bases supported white models of temporary architectural structures such as stands and containers. We are looking at a dehumanized urbanity in which the two-dimensional and three-dimensional face each other. Viewers move around as if they were part of the setup, a feeling that is heightened when they enter the two side rooms, housing the red frieze that runs all along the walls on which hang paintings representing the situation in which they are represented. One can also see them as a partial encyclopedia of Huber’s iconographic universe. The reflexivity in evidence here is at its most resonant in the large room of “Pictorial Spaces” which is literally lined with large-format paintings in a veritable pictorial synthesis of the exhibition. All the motifs are worked through in the sequence that follows, which are manifestly too small to give the last works the space needed for the proper viewing distance. That is the only weakness in this immersive journey through a profuse body of work whose Parisian showing is more restrained but no less captivating. There the miseen-abyme concerns the whole room with a set of compositions done directly on the wall. These play on relations of scale and perspective, blurring codes and viewpoints, as if prompting visitors to mentally reconstruct their coordinates.
Translation, C. Penwarden