Zeitgeist
MAMCO / 22 février - 7 mai 2017
Il apparaît indéniable que la peinture occupe à nouveau une place centrale dans la création contemporaine. On peut se contenter de voir en cela un effet de cycle maintenant bien connu, mais il semble surtout urgent de questionner ce qui fait aujourd’hui retour, car cette pratique ne s’est pas interrompue lorsque les regards étaient davantage tournés ailleurs. On pouvait donc être impatient de découvrir l’exposition Zeitgeist qui, partant de ce constat, entend présenter une généalogie des pratiques figuratives actuelles. Il faut immédiatement préciser que le titre choisi reprend celui d’une exposition fameuse à Berlin en 1982, qui montrait l’apparition d’une peinture figurative se substituant aux avantgardes abstraites et fixait les termes d’une postmodernité picturale. Si l’on peut être étonné de ce choix pour établir une généalogie – qui ne peut être unique –, un doute se révèle également quant à « l’air du temps » ici désigné : s’agit-il de celui qui nous est contemporain ou bien de revenir sur celui des années 1980 ? Ce balancement entre présent et passé se retrouve dans le choix des oeuvres et des artistes. Largement composée à partir de collections privées suisses, l’exposition regroupe principalement des artistes helvétiques, américains et allemands appartenant à une génération qui a émergé au cours des années 1980, avec des oeuvres de cette période, et quelques jeunes artistes. Or, un choix d’oeuvres récentes, y compris pour les artistes reconnus, aurait permis d’intégrer les évolutions propres de ces démarches et aurait ainsi rendu plus dynamique et plus complexe ce rapport généalogique. On songe notamment aux circulations entre figuration et abstraction – Michael Scott, Sue Williams – ou encore aux images floutées de Nina Childress. C’est surtout une approche de l’image comme foyer discursif qui semble prévaloir dans le rassemblement des artistes. Il en ressort une historicisation de questionnements connus depuis de nombreuses années et prolongés par de jeunes artistes comme Jana Euler ou Sarah Tritz. On retrouve un héritage pop évident dans The Florentine Ring de Walter Robinson (1983), comme dans l’ensemble assez convenu de la jeune artiste Caroline Tschumi, Catherine Deneuve dans le noir avec des diamants (2016). Les démarches partagent pour la plupart une pratique de la citation, du détournement ou de l’appropriation des images. Elles procèdent par une déhiérarchisation des références, des associations hétéro- gènes, voire par un renversement ironique où le sexe et le genre sont souvent convoqués. Si l’on peut s’interroger sur un effet de ressassement face à cette approche, le fil historique qui se déroule ainsi trouve son prolongement et sa cohérence dans plusieurs salles attenantes à l’exposition avec les peintures de Jack Goldstein – reprenant des photographies médiatisées de l’espace avec une neutralité de facture – et, découverte surprenante, les Nouvelles Défigurations d’Asger Jorn de l’année 1962, véritable maillon entre la peinture de CobrA et le détournement situationniste.
Romain Mathieu
It seems undeniable that painting has regained pride of place in contemporary art. One could see that as merely the product of a wellknown cyclical tendency, but it seems urgent to ask what it is that’s coming back, since this practice didn’t grind to a halt while people were looking elsewhere. This made me impatient to see what we’d get with the exhibition Zeitgeist, which seeks to present a genealogy tracing where today’s figurative practices came from. The title revisits a famous 1982 Berlin show of the same name that demonstrated the rise of figurative work, displacing avant-garde abstraction and setting the terms for postmodern painting. This is a surprising choice for a framework seeking to establish genealogy, which is necessarily plural. It’s also a bit hazy about the “air of the times” it designates— does this refer to today, or back in the 1980s? This pendulum swing between past and present reoccurs in the selection of artists and artworks. Drawing, for the most part, on private collections in Switzerland, the show mainly covers Swiss, American and German artists of the generation that emerged in the 1980s, represented by work from that period, along with a handful of today’s young artists. If there had been more recent work, including by recognized artists, it would have been able to give a fuller account of the respective evolution of these approaches and made for a more dynamic and complex appreciation of the genealogical relationships. Here I’m particularly thinking of the back and forth between figuration and abstraction in the work of artists like Michael Scott and Sue Williams, and Nina Childress’s blurry pictures. The show’s grouping of artists seems to have been determined by a consideration of the image as a site of discourse, resulting in a historical view of issues well-known for many years and recurrent today in regard to work by young artists like Jana Euler and Sarah Tritz. The Pop heritage is clearly discernable in Walter Robinson‘s The Florentine Ring (1983 and the rather conventional work of the young artist Caroline Tschumi, Catherine Deneuve dans le noir avec des diamants (2016). Most of these practices lean on the citation, subversion or appropriation of other images. They involve a dehierarchization of references, heterodox associations and ironic reversals in which sex and gender often make their appearance. While there is a certain harping in this method, the historical thread this show unspools attains continuity and coherence in its side rooms, with the paintings of Jack Goldstein—neutrally executed reworkings of media photos of space—and a surprising discovery, Asger Jorn’s 1962 Nouvelles Défigurations, a missing link between CoBrA painting and Situationist appropriation.
Translation, L-S Torgoff