Fabrice Humbert

Comment vivre en héros ?

Gallimard, 416 p., 21,50 euros

À la suite de l’Origine de la violence (2009), déjà sur fond de lutte des classes, le dernier roman de Fabrice Humbert revient sur cette brutalité innée, héritée d’histoires familiales, que ses personnages tentent de maîtriser. Maladroit et timide, Tristan Rivière a beaucoup à prouver. Il porte le prénom d’un héros légendaire et son père, lui-même « héros » de la Résistance, en attend autant de lui. Mais qu’est-ce qu’un héros ? Tristan aura deux occasions de s’illustrer. À seize ans, il manque la première en fuyant une bagarre opposant son entraîneur de boxe à quatre voyous. Dix ans plus tard, devenu professeur de collège, il saisit la seconde en secourant une jeune fille – Marie, sa future femme – d’une tentative de viol. Ces trente-huit secondes font basculer son existence : il pense découvrir « qui il est ». Bientôt maire d’une ville de banlieue parisienne, «Tristan-lehéros » ne songe qu’à répandre le Bien, vernis fragile qui détruit progressivement sa famille. Avec une lucidité tour à tour tendre et acide – commentaires nichés entre parenthèses –, l’auteur suit cet homme qui divise le monde en âmes fortes, pures ou faibles. Au sujet du mariage de Tristan et Marie, Humbert écrit qu’ils « ne s[’en] souvinrent pas très bien (eurent-ils vraiment le désir de se sauter dessus comme de petits lapins ?) ». Ce sont ainsi les histoires que Tristan se raconte à lui-même qui le perdent petit à petit. Comme dans la Fortune de Sila, roman de l’auteur paru en 2010, la question devient surtout : comment vivre tout court ? Au pied du mur, Tristan reprendra en main le peu qui lui reste. Et si vivre en héros, c’était emmener son vieil entraîneur manger une omelette au Mont-Saint-Michel avant qu’il ne meure, ou résister à une tempête de neige pour offrir deux roses blanches à son ex-femme?