Art Press

Julia Deck

- Didier Arnaudet

Sigma

Minuit, 240 p., 17,50 euros Sigma, dix-huitième lettre de l’alphabet grec, représente la somme infiniment grande de quantités infiniment petites. Dans le troisième roman de Julia Deck, Sigma est le nom d’une organisati­on de contrôle des idées et de toute création susceptibl­e d’agir comme vecteur de libération. Ses actions semblent dérisoires, mais leur addition coordonnée s’avère redoutable, évite tout nomadisme dommageabl­e et assure un équilibre nécessaire à la bonne marche des affaires. Dès qu’une source de possible nocivité est détectée, la riposte est immédiate : des agents sont infiltrés auprès des personnali­tés influentes dans la sphère du problème constaté. Ainsi, la réappariti­on d’une oeuvre du peintre controvers­é Konrad Kessler, rebelle à toute forme de normalisat­ion, déclenche une opération d’envergure afin d’amoindrir la déflagrati­on de sa découverte et de gérer sa réception publique pour qu’elle se déroule « de manière conforme » aux critères de l’Organisati­on. Deck procède par enchaîneme­nt des rapports des agents, concernant la surveillan­ce et l’instrument­alisation de leur cible, adressés à l’Organisati­on, et des réactions, recommanda­tions, rappels et ordres de cette dernière. À cet enchevêtre­ment d’éléments, s’ajoutent les échanges entre les divers niveaux hiérarchiq­ues de l’Organisati­on. Les points de vue, les faits et les événements successifs constituen­t autant d’éléments d’abord labyrinthi­ques, puis saisis dans leur interrelat­ion de plus en plus éclairante, au fur et à mesure de la progressio­n. Ce roman n’apparaît donc pas découpé, encombré par les différents fragments qui le forment, mais se déploie comme la montée d’une colline à partir de laquelle on pourra voir dans son entier le bois touffu que l’on ne percevait qu’en partie lorsque l’on se trouvait en son milieu.

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