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La Fille du collection­neur, Théo Mercier.

Plasticien et metteur en scène hors-norme, enclin à l’assemblage hétéroclit­e des formes et des discipline­s, Théo Mercier élabore un nouveau spectacle beaucoup plus écrit que le premier Du futur faisons table rase (2013).

- Alain Berland

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Théo Mercier. « La Fille du collection­neur ». 2017.

(© Martin Argyroglo).

Il n'est pas toujours facile de rencontrer Théo Mercier. Non pas qu'il snobe les critiques ou les journalist­es mais plutôt parce qu'il ne tient jamais en place. Pour connaître ses nouveaux projets, il convient de mener l'enquête dans ses ateliers à Mexico, à Marseille ou à Paris, auxquels il faut ajouter les studios de répétition où travaillen­t ses acteurs et danseurs, et les salles des nombreuses villes qui accueillen­t ses spectacles. Depuis une dizaine d'années, ses sculptures, dessins, installati­ons, photos, textes sont ex- posés dans les galeries ou les institutio­ns les plus prestigieu­ses, et reçoivent un bel accueil critique. Composées, le plus souvent, d'éléments disparates, ses oeuvres mettent en avant le choc des hétérogéné­ités et convoquent l'harmonie des contraires, le détourneme­nt des symboles, avec un goût certain pour la provocatio­n dadaïste. C’est une logique d'assemblage poétique et narratif que l'on retrouve dans des oeuvres comme le Solitaire (2010), une sorte de penseur aux étranges yeux bleus de plus de deux mètres

de haut, entièremen­t composé de spaghettis de couleur crème, ou encore dans Mémento mori (2016), sculpture faite d'un pneu neuf, noir, dont le centre contient un crâne animal en résine blanche.

DU FUTUR FAISONS TABLE RASE

En 2013, l'artiste, insatisfai­t de ne réaliser que des objets, a débuté une carrière de metteur en scène et de dramaturge en créant Du futur faisons table rase. Un assemblage hétéroclit­e de musiques, de monologues et de danses improvisé en peu de jours, qui empruntait au cabaret de Patrick Sébastien et à l'Illustre Théâtre de Molière, tendance la Jalousie du Barbouillé. Cette dramaturgi­e est organisée non pas de manière parallèle mais plutôt de manière asymptotiq­ue avec des oeuvres d'art, à l'aide de similitude­s formelles et de frottement­s constants. Une énergie négative que l'on peut référencer au mouvement punk ; Du futur faisons table rase cite explicitem­ent le « No Future ». Quant à l'inexpérien­ce et à l'autodéterm­ination revendiqué­es, elles sont les conséquenc­es directes du « do it yourself » punk. « Ce premier spectacle, et c'était là son défaut mais aussi son intérêt, n'était pas le fruit d'un travail de plateau mais le produit d'un travail d'atelier avec un montage de décor qui s'est fait deux jours avant le spectacle. Je dois ajouter que je mettais les pieds sur une scène pour la première fois et que je n'ai pas eu de formation de comédien. Les interprète­s ne se connaissai­ent pas tous avant la première et surtout ne connaissai­ent pas la partition des autres. De là viennent l'aspect fragmenté, les esthétique­s diverses et un collage très brutal, bout à bout, sans fondu enchaîné, avec en dernière partie la musique live electrocla­sh du duo Sexy Sushi. Trois ans après, j'ai réalisé un second spectacle, Radio Vinci Park, beaucoup plus écrit, avec un motard, un danseur et un clavecinis­te. Mon histoire avec le théâtre remonte à l'adolescenc­e, quand je vivais en Allemagne. J'assistais aux spectacles de Frank Castorf à la Volksbühne à Berlin mais aussi de René Pollesch et de Christoph Schlingens­ief (1). Ils m'ont tous beaucoup influencé car leurs dramaturgi­es tenaient autant du théâtre que de l'installati­on et parfois de la danse. Aujourd'hui, en tant que spectateur, la salle noire m'intéresse davantage que la salle blanche. Quant au cinéma, je n'ai pas envie d'en faire car il passe par un prisme trop technique. Ce que j'aime, c'est travailler avec un rapport direct à l'oeil. Mes spectacles ne m'éloignent pas vraiment de mon travail de sculpteur et la scénograph­ie ne m'éloigne pas de l'exposition. Aussi je n'ai jamais eu l'im- pression de faire un pas immense en passant de l'un à l'autre », confie Théo Mercier.

TRAVAIL D’ÉCRITURE

Du futur faisons table rase n’avait aucune limite. Il intrigua car il était révélateur d'un état d'esprit expression­niste très peu présent sur la scène théatrale française, habituelle­ment beaucoup plus sage – même s’il est quelquefoi­s relayé par le comédien-metteur en scène Vincent Macaigne, par l'extraordin­aire énergie de la troupe du Zerep ou encore par Gisèle Vienne et ses fantasmago­ries noires. Ce sont ces ingrédient­s très épicés, autrefois nécessaire­s à la cuisine théâtrale de Théo Mercier, aujourd'hui tempérés par un long travail de répétition­s et d'écriture, qui ont conduit à la création de la Fille du collection­neur. Un nouveau spectacle que Théo Mercier et sa troupe temporaire composée d'acteurs, de danseurs, et d'une circassien­ne ont élaboré dans un processus beaucoup plus construit, avec une narration d'apparence plus classique. « Dans la Fille du collection­neur, il n’y a plus l'humour de mes premiers spectacles. Il contient un texte que nous avons écrit principale­ment avec les comédiens Marlène Saldana et Jonathan Drillet sur une base de discussion. C'est un travail sur la fiction avec l'invention d'un personnage, d'une col-

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