VERSAILLES Voyage d’hiver
Bosquets du château / 22 octobre 2017 - 7 janvier 2018 Voyage d’hiver est avant tout une magnifique promenade à travers le dédale parfaitement organisé des bosquets du parc de Versailles. Contrairement aux éditions précédentes, tout est dissimulé et, à une ou deux exceptions près, aucune oeuvre n’est visible depuis les allées centrales ou transversales. Il faut s’enfoncer dans les bosquets dont on redécouvre les appellations évocatrices : les Trois Fontaines, les Bains d’Apollon, les Dauphins, la Colonnade, la Girandole ou la Salle de bal. Voyage d’hiver est donc d’abord une plongée dans le temps et la mythologie. Fini donc les installations monumentales et monographiques de « ténors » de l’art contemporain – certaines ont parfois pu apparaître comme une agression visuelle, tant à l’intérieur du château que dans ses espaces extérieurs. Place à la découverte d’artistes, dont le choix des oeuvres et l’emplacement tiennent compte, le plus souvent, de l’histoire, du contexte et des nombreuses références mythologiques qui y sont associées. Pour la plupart, les bosquets se révèlent être de magnifiques écrins pour les artistes qui se voient proposer une exposition personnelle à ciel ouvert, les oeuvres étant aussi bien mises en valeur qu’isolées de leurs voisines par la végétation. Le parcours commence de façon énigmatique avec Riddles de Marguerite Humeau, un sphinx qui trône au sommet du bosquet de l’Arc de Triomphe. À son allure menaçante, font écho, un peu plus loin, les sculptures quelque peu monstrueuses de David Altmejd intitulées le Souffle et l’OEil. Les références mythologiques et symboliques sont omniprésentes dans ce parcours, lui-même jalonné de statues et de sculptures dues aux artistes contemporains de Louis XIV. Le point commun des artistes présents est qu’ils ont tous exposé au Palais de Tokyo (Jean de Loisy est, avec Alfred Pacquement, le commissaire de cette manifestation), lieu de référence pour la création contemporaine, comme le fut Versailles à son apogée. La réussite de la manifestation tient notamment dans le dialogue entre les époques, par une inscription toute en finesse des oeuvres contemporaines dans ce décor arboré du 17e siècle. C’est Rick Owens qui traduit peutêtre le mieux la relation entre l’art des différentes époques. Il a recouvert les cinq sculptures classiques du bosquet de l a Reine d’une housse, comme celles utilisées pour les protéger du froid pendant l’hiver. À travers ce drapé, les oeuvres classiques devenues non identifiables acquièrent paradoxalement une nouvelle identité et affirment leur présence par leur dissimulation. Le parcours aurait pu être symboliquement bouclé ici ; il l’est un peu plus loin par une glaciation de Stéphane Thidet, Bruit Blanc, qui prend place dans le magnifique bosquet de la Salle de bal. Elle requiert cependant des moyens technologiques qui apparaissent quelque peu hors de propos dans ce parcours végétal, à l’instar des colonnes de Hicham Berrada, qui abritent des réactions chimiques, ou de la structure monumentale de Tomás Saraceno : on ne sait s’il faut admirer la légèreté de sa Cité nuageuse ou déplorer la lourdeur de la structure qui la maintient en lévitation. Parmi toutes les autres oeuvres marquantes, outre celles de Mark Man- ders, Jean-Marie Appriou, Anita Molinero, on retiendra la très subtile installation sonore d’Oliver Beer, Accord/Tacet. Celle-ci met en branle les tuyauteries vides des fontaines du jardin, les faisant entrer en résonance avec les pas et les voix des visiteurs, ces sons étant répercutés par des haut-parleurs. L’oeuvre se relie subtilement à la structure enfouie de ces jardins, auquel le Soleil d’Ugo Rondinone rend hommage de façon étincelante. Cercle de feu ou couronne royale, elle est la seule réalisation à s’échapper des bosquets et trône dans la perspective du Grand Bassin comme un phare, un lieu de ralliement visuel.
Bernard Marcelis ——— Voyage d’hiver (A Winter’s Journey) is above all an opportunity to take a magnificent stroll along the perfectly organized maze winding through the groves in the grounds of the Château de Versailles. Unlike previous iterations of this annual event, all the artworks are tucked away; with one or two exceptions, none is visible from the central paths and crosswalks. Visitors have to enter the groves with evocative names like the Three Fountains, Apollo’s Bath, the Dauphin’s Grove, the Colonnade, the Girandole and the Ballroom Grove. In short, Voyage d’hiver is a journey through time and mythology. There will be no more of the monumental installations by the gods of contemporary art that sometimes bordered on visual aggression, both inside the château and on its grounds. Now the aim is