M.-P. de Weerdt-Pilorge (dir.)
Tout Saint-Simon
Robert Laffont, 1 120 p., 33 euros En couverture, cette phrase cinglante : « L’art de s’avancer et de parvenir, c’est l’art d’offrir sa main à qui l’on voudrait offrir son pied. » Voilà le ton Saint-Simon, courtisan critique de Louis XIV. L’oeuvre est immense, comment l’aborder? La collection Bouquins propose un auto-dictionnaire. C’est original. Aux mots donc. Aux noms, propres et communs. Écoutez plutôt. « Femmes » (à propos de la princesse d’Harcourt) : « Elle avait été fort belle et galante ; quoiqu’elle ne fut pas vieille, les grâces et la beauté s’étaient tournées en gratte-cul. C’était alors une grande et grosse créature fort allante, couleur de soupe au lait, avec de grosses et vilaines lippes et des cheveux de filasse toujours sortants et traînants comme tout son habillement sale, malpropre. » Faut-il ajouter qu’un gratte-cul est une rose qui a perdu tous ses pétales? Fuyons au hasard au mot « Lecteur » : « Il faudrait donc qu’un écrivain eût perdu le sens pour laisser soupçonner seulement qu’il écrit. » Revenons à la galanterie (à propos de Mme des Ursins): « La galanterie et l’entêtement de sa personne fut en elle la faiblesse dominante et surnageante à tout jusque dans sa dernière vieillesse ; par conséquent, des parures qui ne lui allaient plus et que d’âge en âge elle poussa toujours fort au-delà du sien. » L’ouvrage est bourré de notices sur les personnages, situations et événements, si bien qu’on approche l’oeuvre entière du conseiller malheureux du duc d’Orléans – et pas seulement ses célèbres Mémoires, mais encore ses textes politiques, historiques, sa correspondance, ses notes diverses – de façon transversale et ludique. Ce qui perce ici, c’est évidemment la réflexion et le style. Portraits, anecdotes, colères, traits d’humour, tout y passe. Ce dictionnaire est une riche idée.
Vincent Roy