EXPOSITIONS/ REVIEWS
New York University Abu Dhabi Art Gallery / 4 octobre 2017 - 13 janvier 2018
Avec près de deux cents oeuvres dues à une cinquantaine d’artistes, cette exposition revient sur la période charnière entre le triomphe de l’expressionnisme abstrait et l’avènement du pop art à New York. Ces deux mouvements ont notamment contribué à faire de la ville la métropole incontournable de l’art pour la seconde moitié du 20e siècle. Initiée par la galerie universitaire Grey Art de New York, l'exposition reprise à Abu Dhabi s’inscrit dans le contexte particulier de cette ville. Outre le fait que celle-ci veut se positionner comme un pôle de développement culturel autour du nouveau Louvre notamment, il s’agit aussi de mettre en évidence la scène régionale des Émirats arabes unis, dont la figure majeure était Hassan Sharif. Parmi les pièces présentées dans Inventing Downtown, on découvre des oeuvres de jeunesse d’artistes qui vont devenir des figures majeures de la scène new-yorkaise. Notamment une très belle toile de Yayoi Kusama, No.Red A (1960), où son vocabulaire formel est déjà bien en place, tout comme celui de George Segal, avec ce nu féminin en plâtre, couché sur une planche de bois ( Reclining Woman Bas Relief: Nude, 1958). La manifestation est divisée en cinq sections qui abordent le mode de fonctionnement et les choix artistiques de ces initiatives. Leaving Midtown se concentre sur trois galeries de la 10e rue qui ont adopté une structure coopérative, tandis que City as Muse (dont font notamment partie la Reuben et la Judson Gallery) traitent des espaces qui ont développé le principe de l’installation et qui furent des pionniers pour la pratique du happening. Space and Time aborde les réseaux de la performance et de l’installation où se croisent danseurs, compositeurs ou musiciens, tels Yoko Ono, La Monte Young ou Robert Morris ( 112 Chambers Street) ou encore Mark di Suvero et Robert Grosvenor (79 Park Place). Avec la section intitulée Politics as Practice, une place conséquente est accordée à des espaces alternatifs dont la durée de vie n’excédait pas trois ans. Typiques de la première moitié des années 1960, leurs débats portaient notamment sur la responsabilité de l’artiste dans la societé et annonçaient l’émergence de la contre-culture. Enfin la dernière section, Defining Downtown, est intégralement consacrée à la Green Gallery (1960-1965), dirigée par Richard Bellamy. On approche là le modèle classique de la galerie qui va bientôt faire florès. Inaugurée en 1960, elle exposera Oldenburg, Rosenquist, Segal et Wesselman d’une part, Flavin, Judd et Morris de l’autre, mais aussi Larry Poons ou Lucas Samaras. Ces lieux éphémères et sans réelles contraintes commerciales ont permis à une génération d’artistes de dépasser les limites convenues de leur discipline, d’intégrer l’objet, le corps, le mouvement dans leur pratique. Ils furent les jalons des dernières avant-gardes du 20e siècle, paradoxalement à partir de lieux qui ne durèrent qu’un temps.
Bernard Marcelis
——— With almost two hundred works by some fifty artists, this exhibition revisits the pivotal period in New York between the heyday of Abstract Expressionism and the advent of Pop Art. These two movements played a key role in making that city the world capital of art in the second half of the twentieth century. First seen in early 2017 at NewYork University’s Grey Art Gallery, the fact that this show is now on view at the NYU Abu Dhabi campus has a contextual backstory. In addition to the city’s desire to position itself, over the long term, especially with the new Louvre, as a regional art capital, this show also attests to a desire to vaunt the UAE art scene, whose outstanding figure was Hassan Sharif. Among the works presented in Inventing Downtown are early productions by young artists who were later to mark the New York art scene. One of the most notable is an excellent painting by Yayoi Kusama, No. Red A, made in 1960. We can see that the young artist’s formal vocabulary was already in place. Another is George Segal’s plaster sculpture of a nude woman lying on a wooden board, Reclining Woman Bas Relief: Nude (1958). The exhibition is divided into five segments dealing with the operating mode and artistic choices emblematic of the 10th Street zeitgeist. “Leaving Midtown” focuses on three galleries that adopted a cooperative structure, while “City as Muse” features four that did not, including the Reuben and Judson galleries, all of which featured installations and pioneered the performances then known as Happenings. “Space and Time” deals with the performance and installation network connecting dancers, composers and musicians such as Yoko Ono, La Monte Young and Robert Morris (112 Chambers Street), or Mark di Suvero and Robert Grosvenor (79 Park Place). The “Politics as Practice” section gives pride of place to alternative art spaces whose life spans did not exceed three years. Typical of the early 1960s, debates there centered on the social responsibility of the artist and heralded the emergence of the counter culture. The last part, “Defining Downtown,” is entirely consecrated to the Green Gallery (196065) run by Richard Bellamy. It was far more like a classical art gallery than its contemporaries, a model that was to prosper. Opened in 1960, it showed Oldenburg, Rosenquist, Segal and Wesselmann, Flavin, Judd and Morris, and Larry Poons and Lucas Samaras. These ephemeral initiatives, largely free of commercial constraints, made it possible for a generation of artists to burst through the established boundaries of their disciplines and integrate objects, bodies and movement into their practice. Paradoxically, the twentieth century’s last avant-gardes emerged in venues that lasted only briefly.